Star montante de l'art urbain montréalais, FONKi est en vedette sur le site de La Fabrique culturelle avec la websérie FONKi World, qui raconte son expérience au Cambodge, le pays de ses racines. La Presse a rencontré l'artiste de 26 ans qui créera une nouvelle oeuvre à Montréal lors du prochain festival Mural, en juin.

Né en France de parents qui ont fui le Cambodge et le régime des Khmers rouges dans les années 70, FONKi est arrivé au Québec à l'âge de 4 ans et a grandi en intégrant les cultures française, québécoise, canadienne et cambodgienne.

Le graffiteur a toujours aimé le dessin. Avec un père informaticien pratiquant la photo et une mère journaliste aimant l'aquarelle, il a la fibre artistique. Du coup, après l'École internationale de Montréal, il s'est inscrit en arts plastiques au cégep du Vieux Montréal avant de faire quatre ans d'animation à Concordia, soit jusqu'en 2013.

S'inspirant des graffiteurs Alex Scaner, Zek, Monk.e ou Stare, FONKi a passé son adolescence à graffiter les murs de Montréal avec sa griffe FT, un blason créé avec des amis. FT pour «F*ck That» au début, son époque rebelle! Puis, FT est devenu «Fun Time», «First Tag» et maintenant, après dix ans, «Family Tradition». On s'assagit avec le temps! Les amendes et les poursuites pour vandalisme sont maintenant chose du passé...

Péelerinage au Cambodge

FONKi était allé au Cambodge en 1994 et en 2007 avec ses parents. Il y est retourné seul en 2012, après avoir obtenu une résidence d'artiste de quatre mois au Centre Bophana, à Phnom Penh, avec le cinéaste franco-cambodgien Rithy Panh. 

«Du coup, on a monté un projet avec mes amis Jean-Sébastien Francoeur et Andrew Marchand-Boddy, dit-il. L'idée du long métrage est alors née.»

Ce retour vers ses racines est devenu un film, The Roots Remain (Retour aux sources), dans lequel il peint des murales, honore la mémoire de son grand-père et rend hommage à ce Cambodge dans une sorte de pèlerinage sur la terre de ses parents. 

The Roots Remain a gagné le prix Magnus-Isacsson (remis à un film témoignant d'une conscience sociale) lors des dernières Rencontres internationales du documentaire de Montréal, en novembre, et celui du meilleur documentaire au Festival du film de Victoria, le mois dernier. Il fait actuellement le tour des festivals et a été vendu à TV5. On peut le voir jusqu'au 20 avril sur le site de la chaîne Unis.

Retour en 2014

Comme FONKi voulait aller plus loin dans sa découverte du Cambodge, il y est retourné en 2014. Il en ressort la websérie FONKi World tournée par Thomas Szacka-Marier. Dans les sept épisodes de 10 à 13 minutes chacun, on suit FONKi dans ses pérégrinations dans les villes et la campagne cambodgiennes. Il y crée des murales tout en allant à la rencontre des artistes et de la population avec laquelle il échange en khmer, en français ou en anglais.

Artistiquement et humainement intéressante, la série décrit le Cambodge et sa vie culturelle. Elle évoque l'histoire tourmentée de ce pays, notamment les crimes contre l'humanité perpétrés par les Khmers rouges de 1975 à 1979. Elle montre aussi à quel point le graffiteur n'est pas toujours le vandale que l'on croit. 

FONKi a fait des bêtises dans sa jeunesse, mais en grandissant, il a compris que son talent lui permettait d'avoir une certaine prise sur son environnement.

Dans le quatrième épisode, il est interviewé par un journaliste vietnamien qui compare l'émotion qu'il exprime en dessinant ses murales à celle des moines bouddhistes lorsqu'ils créent des mandalas avec du sable. Il n'a pas tort. FONKi avait fait une retraite de méditation bouddhiste avant de se rendre au Cambodge en 2012. Ce voyage a changé sa vie et son esprit. Le Montréalais a acquis une force et une sérénité qui lui ont donné un équilibre et un but.

Plein de projets

FONKi sera à Mural en juin pour créer une oeuvre. Sa renommée et sa collaboration avec A'Shop ou son propre collectif MTL Zoo lui attirent bien des expositions et des contrats privés comme publics. 

Il est retourné en décembre au Cambodge pour créer une murale sur la façade d'un nouveau centre sportif de Phnom Penh, situé dans un quartier difficile auquel il s'est attaché. «Ma démarche est plus sociale depuis 2012, dit FONKi. Ce que j'aime avec le graffiti, ce sont les rencontres humaines et les histoires.»

Il a ainsi un projet avec la Wildlife Alliance, qui défend les forêts et les animaux. «C'est dans mes valeurs. Faire une murale pour une entreprise de jeux vidéo, c'est correct, mais je ne veux pas être seulement dans le divertissement. Je tiens à ce côté social.»

C'est pourquoi il créera bientôt une deuxième saison de FONKi World, consacrée cette fois aux nations autochtones. «À cause de leur richesse artistique, dit-il. Et des similitudes par rapport à mon héritage, notamment le côté génocidaire, et leurs conditions de vie.»