La galerie montréalaise Art Mûr célèbre avec faste ses 20 ans d'existence: elle a été choisie pour ouvrir, dès septembre, un espace d'exposition au Spinnerei, un centre d'arts très en vogue à Leipzig, en Allemagne. Si cette installation devient permanente en 2017, il s'agira d'une première, en Europe, pour une galerie québécoise.

Un quart de siècle après la chute du mur de Berlin, Leipzig est devenu une ville artistique très branchée en Europe, notamment en arts visuels. On la surnomme d'ailleurs Hypezig. Économiquement dynamique, la ville d'un demi-million d'habitants bénéficie d'être située à une heure de Berlin et de proposer des loyers moins onéreux que la capitale allemande.

Au coeur de cette ancienne cité délabrée de l'ex-Allemagne de l'Est, la vieille filature de coton du Spinnerei a été transformée en centre de production artistique sur une superficie de 10 hectares. Moins de 20 ans plus tard, on y dénombre 120 studios d'artistes (dont celui du peintre allemand renommé Neo Rauch) et une quinzaine de galeries d'art.

L'organisme qui gère le Spinnerei a créé un petit espace d'exposition de 50 m2 qu'il propose à des galeries internationales. Pour la période allant de septembre 2016 à septembre 2017, Art Mûr a été choisie pour l'occuper, moyennant un loyer annuel de 6000 euros (environ 9000 $).

Huit solos en un an

La galerie montréalaise dirigée par Rhéal Olivier Lanthier et François St-Jacques exposera ainsi huit de ses artistes pendant un an, à raison de quatre semaines pour chaque exposition.

«Si l'expérience marche bien, on prendra fin 2017 un espace permanent plus grand au sein du Spinnerei [à Leipzig]», affirme François St-Jacques.

«C'est une super nouvelle, a réagi, hier, la galeriste montréalaise Émilie Grandmont Bérubé, présidente de l'Association des galeries d'art contemporain (AGAC). Ce serait une première pour une galerie québécoise en Europe, sous ce modèle très certainement. Plusieurs galeristes ont fait des échanges avec des galeries européennes. L'AGAC avait, entre autres, organisé une série d'échanges avec Lyon au début des années 2000 qui s'était très bien passée. Mais un espace permanent pendant une si longue période, à ma connaissance, ça ne s'est jamais fait.»

Parmi les artistes qu'elle représente, la galerie Art Mûr a sélectionné, sur présentation de projets, les huit artistes qui exposeront à Leipzig de septembre 2016 à septembre 2017. L'artiste néo-écossaise Cal Lane partira le bal le 8 septembre avant les solos successifs de Jannick Deslauriers, Karine Payette, Laurent Lamarche, Karine Giboulo, Patrick Bérubé, Nadia Myre et Simon Bilodeau.

Des solos comme cadeaux

Pour tous ces artistes, sauf Patrick Bérubé (qui a déjà eu deux expos solos en France), il s'agira d'une première exposition individuelle en Europe. «J'ai déjà exposé à Londres et en France, mais lors d'expositions collectives, dit Nadia Myre. C'est excitant, un premier solo en Europe. Je vais préparer une nouvelle oeuvre.»

L'international était dans les plans de Karine Payette, alors elle est ravie de pouvoir présenter son travail à Leipzig du 19 novembre au 17 décembre prochains.

«C'est une belle opportunité. Je présenterai des oeuvres de mon dernier corpus ainsi que quelques nouvelles oeuvres dont, peut-être, une vidéo sur la relation avec l'autre.»

Karine Giboulo est aussi très enthousiaste d'aller montrer son travail en Allemagne, car elle avait envie de créer une installation sur le thème des réfugiés. «Ça tombe bien, dit-elle. Ce sera du 18 février au 25 mars de l'an prochain.» 

Laurent Lamarche, lui, présentera de nouvelles oeuvres à Leipzig au tout début de 2017. «Je vais me replonger dans les 10 dernières années de mon travail pour faire cohabiter chaque série que j'ai faite, dit-il. Ça me permettra de me faire plaisir tout en prenant du recul sur ma production, et de créer de nouvelles oeuvres moins monumentales et plus abordables.»

Une année faste

La présence d'Art mûr en Europe en 2016-2017 tombe bien. Les étoiles de la galaxie d'art contemporain seront en effet particulièrement brillantes durant cette période avec sept grands événements programmés: les biennales de Berlin, Liverpool, Venise et Istanbul, la Documenta et le Skulptur Projekte en Allemagne, ainsi que le Manifesta en Suisse. 

«C'est une année faste pour faire valoir la production de nos artistes, dit Rhéal Olivier Lanthier. Être présent durant cette année exceptionnelle est important. Et puis, nos murs sont pleins dans notre galerie de la rue Saint-Hubert, alors il nous fallait aller vers l'extérieur!»

Art Mûr présente, jusqu'au 23 avril, l'exposition Broken Circle, sur le thème des autochtones, signée Karine Giboulo, les sculptures de Zeke Moores et Around 3: 59, des installations à la fois étranges et parlantes de Patrick Bérubé.

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Art Mûr, 5826, rue Saint-Hubert, Montréal