Ryan Gander présente l'exposition Make Every Show Like It's Your Last au Musée d'art contemporain. Les oeuvres conceptuelles de l'artiste britannique attirent le regard de façon séduisante, mais c'est ce qu'il ne met pas de l'avant - ce qui est suggéré, occulté ou absent - qui suscite l'intérêt. Le visiteur doit faire son «travail» s'il veut entretenir un dialogue fécond avec l'artiste, sur fond de sourires et de questionnements.

Q: Vous étiez de la Biennale 2014 à Montréal. En fait, vous êtes partout au Canada en ce moment...

R: Je suis un genre d'artiste canadien cette année. J'étais à Toronto [en 2015]. L'automne dernier, j'étais à Vancouver. Avant ça, j'avais fait la Nuit blanche à Toronto.

Q: Il vous manque les provinces atlantiques. Pourquoi pas à Gander, à Terre-Neuve?

R: Je voudrais obtenir une résidence d'artiste à Terre-Neuve. Je pourrais y tourner un film de zombies. La population de Gander - pas celle des zombies - a triplé en 2001 à la suite des attentats du 11-Septembre aux États-Unis.

Q: Plusieurs pièces présentées à Montréal sont faites de résine de marbre. Comment fonctionne ce matériau dont la texture renvoie à quelque chose de fantomatique?

R: La résine de marbre est faite à 95 % de poudre de marbre et à 5 % de résine qui la lie. C'est un processus de moulage très rapide pour sculpter. C'est presque immédiat alors que ça me prendrait six mois pour sculpter la même forme avec d'autres matériaux. Ça peut faire penser à des fantômes. D'ailleurs, j'ai déjà créé un fantôme avec une sculpture de ma fille en utilisant ce matériel.

Q: Vous aimez jouer sur ce qui est là ou pas dans une oeuvre, ce qui est apparent ou caché. Pourquoi?

R: C'est important que le spectateur joue un rôle dans l'oeuvre. Si on laisse des choses de côté, on laisse de l'espace et un rôle au visiteur qui peut y projeter ses propres idées, ses souvenirs, ses histoires. Je crois que les gens peuvent aimer l'art davantage s'ils le découvrent ou le complètent. Les oeuvres que j'aime ne sont pas celles que je comprends, mais celles que je ne comprends pas, qui m'apparaissent incomplètes. C'est pourquoi, dans mon art, il y a des espaces vides, des absences ou cette idée de révéler et de cacher. Je crois que le spectateur doit travailler un peu, sinon il s'agit de divertissement. L'art doit défier ou faire voir les choses d'un autre oeil.

Q: Tout l'art moderne se base sur la «participation» du spectateur, mais, contrairement à plusieurs autres, vous ne semblez pas avoir un intérêt pour le «laid».

R: Il y a une différence entre un art de qualité et un art que vous aimez. Les oeuvres d'art que j'ai chez moi sont là parce que je peux vivre avec elles, mais ça ne veut pas dire que c'est bon pour autant. Et ce que je vois dans un musée qui est bon ne veut pas dire que c'est quelque chose que j'aime. C'est étrange que les gens disent aimer une exposition. Ça veut dire que les oeuvres sont réconfortantes ou faciles. Une bonne exposition est soit difficile, soit grotesque ou irritante. Il ne s'agit pas d'aimer ou de ne pas aimer une exposition. Il faut voir si elle représente une bonne contribution à l'histoire de l'art. L'art que les gens aiment, c'est de l'art, mais ce n'est pas nécessairement significatif pour notre époque.

Q: Cherchez-vous à provoquer?

R: Il n'est pas essentiel de provoquer. Beaucoup d'artistes cherchent à provoquer. Une autre stratégie consiste à séduire les gens. Par exemple, Ragnar Kjartansson [qui fait aussi l'objet d'une exposition au MAC actuellement] est un bon artiste et j'aime son travail. Il utilise la séduction comme stratégie avec des sons. Ma stratégie, c'est d'intriguer les spectateurs. J'aime montrer quelque chose qui séduit l'oeil, mais qui est incomplet pour l'esprit.

Q: Votre art conceptuel diffère des autres en ce qu'il n'impose pas une seule vision des choses. C'est important pour vous?

R: Je crois que l'art doit éduquer. Ce n'est pas éduquer dans le sens de donner de l'information et des connaissances à une personne moins intelligente que soi. C'est absurde parce qu'une personne qui s'intéresse au monde qui l'entoure est une personne qui s'instruit. Qu'on ait 2 ou 95 ans, c'est un processus continu. Si on fait de l'art ou on s'y intéresse, cela fait partie de ce que j'appelle l'éducation. Cela a rapport à l'apprentissage plutôt qu'à l'enseignement. C'est à propos d'une croissance intellectuelle.

___________________________________________________________________________

Au Musée d'art contemporain jusqu'au 22 mai.