Chez Art mûr, la première salle nous entraîne sur les traces de l'explorateur britannique John Franklin dans le Grand Nord. Des traces qu'a empruntées l'artiste américaine Jessica Houston pour rapporter du passage du Nord-Ouest des photos, des peintures et des sculptures empreintes de nordicité.

Photographie de paysage, immersion dans un environnement à la fois beau et cruel, réflexion sur l'immensité des espaces naturels et leur grande fragilité, Jessica Houston articule son propos en jonglant avec les concepts et la réalité. Elle le fait aussi au moyen d'artéfacts multimillénaires qu'elle compare au produit artificiel né du génie maléfique de l'homme. Bonne idée.

Lamontagne et ses trompe-l'oeil

Dans la salle suivante, on retrouve avec plaisir des oeuvres d'Éric Lamontagne dont le travail est toujours surprenant. On avait bien aimé ses créations dans les expos Du haut de mon sous-sol et Banlieue ! ordre et désordre présentées à la Maison des arts de Laval.

Art mûr a rassemblé cette fois-ci des peintures en trompe-l'oeil de ce roi du subterfuge. 

Regroupées sous le titre Peindre une toile (c'est le cas de le dire !), les oeuvres d'Éric Lamontagne sont des essais réussis de reconstitution de l'allure d'une toile de tissu, de jute par exemple.

Des toiles globalement de couleur beige même si une large gamme de nuances transposées avec une infinie minutie est en fait perceptible à l'oeil nu.

Son travail d'expert dans les ombrages et son rendu rappellent ceux de Tammi Campbell, dont les faux cadres de carton sont actuellement exposés à la galerie Hugues Charbonneau.

À l'étage, on tombe sur deux univers totalement différents. D'abord, l'imagination fertile et techniquement bien appliquée d'Ingrid Bachmann. Art mûr présente pour la première fois trois installations originales de l'artiste montréalaise sous le titre Counterpoint. La première est constituée de six valises défraîchies que le visiteur peut ouvrir pour découvrir de véritables petites expériences, poétique, humoristique, voire nostalgique. De petits morceaux de vie qui raniment des souvenirs.

La deuxième installation, Pelt (Bestiary), est un assortiment de « bêtes à fourrure » créées en caoutchouc, bougeant à terre, respirant, soufflant et parfois grognant ! Des créatures dont elle a fait des portraits au fusain. Enfin, la troisième oeuvre est sa Symphony for 54 Shoes, un alignement de souliers reliés à un système électronique et qui communiquent une chorégraphie sonore contemporaine et plutôt décousue.

Une source dans la galerie

Enfin, le duo d'origine bulgare IvanovStoeva a été invité à présenter chez Art mûr ses boîtes lumineuses et ses vidéos élaborées sur la notion d'horizon. Des paysages électroniques dans lesquels du papier ou des miroirs réfléchissants composent une image que l'oeil perçoit et notre esprit analyse.

Cylindrique, une des oeuvres a été brillamment créée... dans le mur de la galerie. D'un tuyau bleu-vert pâle s'échappe de la vapeur d'eau, comme une source cristalline. Un paysage vivant qui s'invite dans la salle de la galerie. Toute une installation !

De l'expo précédente, on peut encore admirer Fossile-Pétri, une très belle oeuvre en plexiglas éclairé de Laurent Lamarche, ainsi que six bustes en gypse et acajou de sans-abri new-yorkais façonnés par l'artiste montréalais Bevan Ramsay. Des sculptures qui ressemblent aux bustes de personnages historiques. Comme quoi le trompe-l'oeil est partout. Ce n'est pas un hasard.

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À la galerie Art mûr (5826, rue Saint-Hubert) jusqu'au 19 décembre

PHOTO MIKE PATTEN, FOURNIE PAR LA GALERIE ART MÛR

Vue de l’exposition Peintre une toile, d’Éric Lamontagne, à la galerie Art mûr jusqu’au 19 décembre.

Photo Mike Patten, fournie par la galerie Art Mûr

Afterward, Silence (Franklin’s Crewmen’s Grave, Beechy Island), 2015, de Jessica Houston, impression sur papier archive, 56 cm x 84 cm.