Avec ses projections nocturnes de dessins d'animaux humanisés, l'artiste Julien Nonnon ne transforme pas seulement les murs de Paris, il transforme aussi les gens. Nous l'avons suivi un soir dans le quartier Montmartre pour le voir à l'oeuvre.

Dans cette ville où personne ne lève la tête, trop absorbé par son chemin ou son téléphone intelligent, les petits happenings improvisés de street art du jeune artiste Julien Nonnon attirent les regards, les commentaires enthousiastes et, inévitablement, les égoportraits. «Ceux qui se prennent en photo avec mes projections sont les chanceux», dit Julien, rappelant le caractère éphémère de ses oeuvres. Mais la photo, la vraie, c'est lui qui la prend. Son équipement est léger, ses dessins emmagasinés dans un iPad qu'il branche à un projecteur. Julien Nonnon est à la recherche de murs vierges dans Paris - ce qui est assez rare vu le nombre de graffitis. Loin de faire concurrence aux «tagueurs», il estime qu'il leur rend hommage, car «la lumière ne cache pas, elle montre».

Le but réel de l'artiste est de photographier sa projection dans son environnement. Il aime que l'on reconnaisse d'emblée sur ses photos les quartiers typiques de Paris, qui prennent un nouveau visage avec ses bêtes habillées en humains, une inspiration qui lui est venue du Roman de Renart, un collage de textes médiévaux mettant en scène des animaux. Après tout, Paris est en quelque sorte une jungle, dont la faune est très diversifiée.

«J'aime faire cohabiter le virtuel avec le réel, la rue. J'aime capturer cette énergie.»

Une exposition lente de son appareil photo lui permet de croquer l'agitation lumineuse des véhicules dans l'entourage de sa projection. «Le but est de recréer une autre image.» Son dispositif lui permet aussi de choisir la taille de ses images et de les adapter à tous les murs. L'effet est saisissant.

Les gens adorent

Julien Nonnon nous a donné rendez-vous dans le quartier Montmartre, l'un des plus touristiques de Paris, accompagné de son agent Hicham Benjelloun, qui est en fait son ami d'enfance, et qui l'aide non seulement à traîner son équipement, mais à trouver des murs intéressants. «On redevient des touristes dans Paris avec cette activité», note Hicham en rigolant.

Avec un autre ami artiste, Romain Vollet, Julien a fondé le Le3, un studio de création qui a pour maîtres mots «lumière, matière et mouvement», et dont Hicham est le producteur. 

Une douzaine de photos de Julien Nonnon seront exposées à Orlando aux États-Unis, en novembre. Les gars sont plutôt fiers du succès grandissant du Safari Urbain. C'est qu'il y a quelque chose d'irrésistible dans cette expérience lorsqu'on la vit en direct.

En nous voyant le nez au ciel à regarder ce tigre ou ce panda virtuel projeté sur un mur, les gens s'arrêtent. Et posent des questions. Un vieil homme, touriste, lance en anglais: «J'aime comment ce tigre est habillé!», et sort son iPad pour le photographier.

Un autre passant tient absolument à se faire prendre en portrait avec l'artiste. «Dis oui, Nonnon», insiste-t-il. «C'est beau!», «Bravo!», «C'est cool!», lancent les gens. Un véritable exploit à Paris, où les habitants sont habitués à la beauté historique de la ville. 

Se réapproprier l'espace de vie

Quand Julien Nonnon projette un oiseau sur une façade de maison, installé devant un bistrot, tous les clients de la terrasse sortent spontanément leur iPhone, incapables de résister à l'envie d'immortaliser cette surprise. Enfin, un homme un peu bourré supplie Julien Nonnon de projeter du «rouge», du «communiste», parce qu'«on se fait défoncer par les néo-réacs!»

Des anecdotes, Julien Nonnon en a pour chacune de ses photos, qui ont toutes des titres, «parce que c'est important de nommer les oeuvres», croit-il. Ainsi, nous avons assisté à la création du Tigre des Abbesses, rue des Abbesses. Mais comme nous étions devant le bistrot Le vrai Paris, Julien propose, en riant Le vrai tigre de Paris... 

Dans son catalogue, un renard, un loup, un lion, un coq, une biche, un crocodile, un chien, une foule d'animaux vêtus de costards élégants ou de chemises à la mode. Son panda qui tient deux revolvers est un hommage à un maître: Banksy. «La ville redevient conviviale, souligne Julien Nonnon, pour expliquer la réaction des gens. On doit se réapproprier notre espace de vie.»

Son autre rêve est de pouvoir voyager avec ses oeuvres. On le verrait parfaitement dans un festival comme Montréal en lumière. « J'aimerais bien aller me colleter avec les Québécois à Montréal ! » lance-t-il. L'idée est lancée.

Consultez le site de l'artiste http://www.juliennonnon.com/home/