Un des plus grands affichistes du monde, Vittorio Fiorucci (1932-2008), fait l'objet d'une grande exposition au musée McCord, jusqu'au 10 avril prochain. L'institution de la rue Sherbrooke présente un demi-siècle de création graphique, dont 125 affiches, de cet artiste montréalais qui a marqué la scène artistique du Québec.

Arrivé à Montréal en 1951, à l'âge de 19 ans, Vittorio Fiorucci a acquis sa renommée internationale comme affichiste, des années 60 jusqu'à sa mort en 2008. Outre des affiches, l'artiste italien né en Croatie a créé des illustrations pour des entreprises et des magazines, des BD, des films d'animation, des livres pour enfants et des photographies.

Au Québec, il est connu pour être le créateur de Victor, sympathique mascotte verte de Juste pour rire. C'est aussi lui qui a dessiné la montgolfière souriante du festival de Saint-Jean-sur-Richelieu et le logo du magasin de vêtements Le Château.

L'exposition Montréal dans l'oeil de Vittorio: 50 ans de vie urbaine et de création graphique est divisée en cinq zones. La zone centrale, intitulée Montréal, métropole culturelle, présente les premières affiches de Vittorio, notamment pour Spectacle dansé, un show mis en scène par Jean Dudan en 1965 au Théâtre de la place Ville-Marie, et pour Expression 65, un spectacle de danse contemporaine signé la même année par Jeanne Renaud.

AFFICHE POUR L'OSM

Dans cet espace se trouve la seule affiche qu'il a réalisée pour l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM) et Charles Dutoit, en 1980. Une affiche avec un chat qui écoute de la musique. Le chat, animal fétiche de Vittorio.

« C'est émouvant pour moi, car Vittorio était mon ami et, à l'époque, j'étais directrice des communications de l'OSM », glisse Suzanne Sauvage, présidente et chef de la direction du musée McCord, devant l'affiche.

Près de celle-ci, on découvre l'affiche controversée créée en 1966 pour l'expo de Robert Roussil au Musée d'art contemporain de Montréal. Vittorio avait repris à son compte «l'irrévérence» que Roussil avait exprimée dans sa sculpture monumentale de 1949, La famille, à la nudité alors jugée obscène.

Dans l'espace intitulé La passion de Vittorio, le visiteur appréciera les affiches réalisées pour des commerces ou des événements, développant des sujets féminins ou bien encore créées pour des proches. Notamment sa dernière affiche, dessinée quelques jours avant sa mort, le 30 juillet 2008, pour son ami Michael Flomen, qui exposait alors ses photos à la galerie Pangée.

L'amitié était un moteur de création pour Vittorio, indique Suzanne Sauvage. Il travaillait beaucoup pour ses amis, autant pour leurs expos et leurs spectacles que pour leurs commerces.

RETOUR DANS LES ANNÉES 60

Une projection de photos des années 60 et 70 permet de voir quelques-uns des amis artistes de Vittorio et certaines des femmes qui ont partagé une partie de sa vie. Un extrait du film Artist in Montreal, réalisé par Jean Palardy en 1954, illustre le milieu dans lequel il a évolué à son arrivée à Montréal, rencontrant - dans des cafés tels que L'Échouerie ou La Petite Europe - les avant-gardistes Mousseau, Gauvreau, Roussil ou Vaillancourt.

Photo fournie par le musée McCord

Spectacle dansé, 1965, de Vittorio Fiorucci, sérigraphie. Prêt de la collection de Judith Adams.

Photo fournie par le musée McCord

Beauté mobile, 1995, de Vittorio Fiorucci, offset. Prêt de la Collection de Judith Adams.

Sur une tablette numérique, le visiteur peut apprécier le talent de dessinateur de Vittorio Fiorucci en parcourant les 52 dessins en noir et blanc tirés de son livre Vittorio's Dog Book paru en 2002. Un espace présente aussi ses oeuvres parfois abstraites créées pour des entreprises, notamment pour les couvertures de leurs rapports annuels.

Dans la zone Montréal, affaire de coeur, le commissaire Marc H. Choko présente lesaffiches engagées de Vittorio, notamment sur l'environnement, contre le nucléaire, en faveur d'organismes comme les Restaurants du coeur ou au profit de prisonniers politiques (en 1979) ou des grévistes de la radio CJMS, en 1977.

L'exposition se termine avec quelques-uns des jouets qu'il collectionnait, notamment des robots, et un extrait de son film d'animation La saison perdue, réalisé en 2004, sur l'univers de Victor vêtu en père Noël mais qui doit affronter le printemps !

Dans un extrait d'une entrevue réalisée par Christiane Charette en 2007, un an avant sa mort, l'artiste évoque d'ailleurs son Victor et comment il est parvenu à lui donner vie dans un grand nombre de situations. Quand l'animatrice lui fait remarquer que l'Encyclopaedia Universalis a considéré en 1982 qu'il était l'un des plus importants affichistes du monde, Vittorio répond: «J'ai produit peut-être 400 affiches, mais il n'y en a peut-être que 20 qui sont valables.»

Présente à la conférence de presse, Judith Adams, compagne de Vittorio, a raconté qu'il avait toujours souhaité l'organisation d'une grande expo sur ses oeuvres et la publication d'un livre qui les rassemblerait. « C'était son rêve et il s'est finalement réalisé, a-t-elle dit. Dommage qu'il ne soit pas là. »

Marc H. Choko, qui vient de publier le livre Dans l'oeil de Vittorio aux Éditions de l'Homme, ajoute que ce double hommage lui était dû depuis longtemps. « Pour lui, la vie était un party et ça transpirait dans ses oeuvres, dit-il. Il a toujours été en dehors des modes et c'est pourquoi, aujourd'hui, Vittorio est si actuel. »

Au musée McCord (690, rue Sherbrooke Ouest) jusqu'au 10 avril.

Marc H. Choko présentera une conférence sur Vittorio Fiorucci le 30 septembre, à 18 h, au musée McCord.

Cliquez ici pour visiter le site internet du musée McCord

Photo fournie par le musée McCord

Exposition internationale d'art pornographique, 1967, de Vittorio Fiorucci, sérigraphie. Prêt de la Collection de Judith Adams.

Photo fournie par le musée McCord

Deux femmes en or, 1970, de Vittorio Fiorucci, sérigraphie. Prêt de la Collection de Judith Adams.