Le village de Sutton connaît un réel dynamisme dans les arts visuels avec la présence de plusieurs galeries d'art contemporain. La Presse a visité récemment l'exposition des oeuvres de Robert Roussil et de Danielle Moreau à la galerie Art plus et celles de Martin Sénéchal chez Arts Sutton.

Au 8, rue Maple, à Sutton, la galerie Art plus accueille les amateurs d'art dans un espace magnifique, celui de l'ex-église unie Calvary, qui fut un lieu de culte de 1877 à 2011. La directrice de la galerie, Brigitte Normandin, a aménagé l'endroit en tout respect de son histoire et propose des expositions qui s'intègrent à merveille dans la petite église blanche.

Jusqu'à la fin du mois, Vies tissées & colorées fait vibrer les lieux. L'expo présente des oeuvres en deux dimensions de Robert Roussil accompagnées pour la première fois des tapisseries contemporaines de Danielle Moreau, sa compagne.

Émouvant de découvrir ces oeuvres sur papier du sculpteur montréalais mort il y a deux ans dans le village de Tourrettes-sur-Loup, dans le sud de la France, où il s'était établi en 1956 et d'où est originaire Danielle Moreau. 

Une visite précieuse

L'exposition découle d'une visite que leur avaient rendue deux citoyens d'Abercorn, Patrice Lefebvre et Sonia Rioux, il y a quelques années. «Ils avaient été accueillis chez eux pendant deux jours et leur rêve était de montrer leurs oeuvres lors d'une même exposition, dit Brigitte Normandin. On la planifiait depuis un an.»

La plupart des oeuvres de Robert Roussil sont des encre, acrylique et feuille d'or sur papier. On renoue ainsi avec son premier talent.

Avant de se brancher sur la sculpture sous l'influence d'Arthur Lismer, Roussil avait dessiné, même sur les trottoirs avec des morceaux de plâtre quand il était enfant...

On peut admirer chez Art plus ses branches formées de bras dorés ou de mains enchevêtrées dans une orchestration de couleurs vives - toujours un vert, un bleu, un rouge.

Ses créations verticales sont placées comme amoureusement tout près des tapisseries de Danielle Moreau, des oeuvres dont le tissage bucolique et plutôt sage contraste avec l'expressivité efficace des Sans titre de Robert Roussil, notamment son personnage féminin aux pieds et aux mains qui se démultiplient en ramifications.

Nous avons bien aimé son Sans titre 7, une succession de soleils radiants qui voisine avec Jardin d'acclimatation, la plus grande oeuvre de Danielle Moreau, exposée judicieusement au-dessus de l'ex-autel de l'église protestante. Cette tapisserie de 2,6 m x 2 m est symboliquement faite d'entrecroisements de fibres. C'est une des créations marquantes de cette expo avec Ivresse, où le travail de tissage dépasse carrément le cadre de l'oeuvre.

En septembre, Brigitte Normandin présentera les grands portraits d'Andrée Pelletier, comédienne et artiste établie à Sutton. «J'ai eu un coup de coeur en voyant ses oeuvres dans son atelier, dit la galeriste. Elle dessine à partir de son iPad et crée ensuite des impressions numériques de grand format.» L'exposition intitulée Dans ta face sera présentée du 2 au 27 septembre.

Galerie Arts Sutton

Non loin de là, à la galerie Arts Sutton, la coordonnatrice Anita Raymond présente Chemin faisant sur des vestiges utopistes, dix ans de travail de l'artiste montréalais Martin Sénéchal, jusqu'au 20 septembre. Cette exposition permet au visiteur de constater l'évolution de l'artiste sur une période de dix ans.

Le cheminement est en effet évident entre les oeuvres que cet artiste a produites à 27 ans et celles qu'il crée à 37 ans. Il y a une parenté notoire entre la toile No 1 peinte en 2005, oeuvre plutôt naïve et brouillonne, et celles de 2014 et 2015 démontrant plus de maîtrise.

Il faut par contre aimer son univers multisource qui se réfère à la culture populaire, au dialogue interculturel et à la pub. Cette omniprésence de marques commerciales finit par lasser.

En 2005, No 1 célébrait Toshiba. Dix ans plus tard, ses dernières toiles sont estampées Nike, Goodyear et Robin Hood, alors que les illustrations qui accompagnent ces marques n'ont aucun rapport avec le monde de l'automobile, celui du sport ou de la meunerie.

L'artiste mélange ainsi les valeurs humaines. Qu'elles soient signifiantes ou non, elles n'en demeurent pas moins réelles. On retrouve ces valeurs dans les assiettes de sa série Tondo Mystique Humaniste, des céramiques sur lesquelles il a expérimenté le transfert photographique couplé à l'acrylique avec une dominante iconographique de figures spirituelles et de promotion de l'amour.

La période 2014 de Sénéchal est marquée par des arrangements picturaux hétéroclites qui mêlent peinture biblique et images d'Asie. Nous préférons sa production de 2010-2011, notamment la poétique toile La quiétude dévorant le stress, ou ses essais d'acryliques sur tissus, très réussis, notamment Chemin faisant.

Sa dernière oeuvre sculpturale, Ne tombe pas, est un agglomérat comprenant la partie basse du personnage de Pinocchio fixée sur un bloc rocheux, le tout en équilibre fragile sur un petit crayon à papier. Une belle idée.

À noter, dans une petite pièce adjacente à la salle principale de la galerie, les linogravures soignées et tranquilles de Chantal Laplante.

Vies tissées & colorées, Danielle Moreau & Robert Roussil, à la galerie Art plus (8, rue Maple, Sutton) jusqu'au 31 août

Chemin faisant sur des vestiges utopistes, de Martin Sénéchal,  à la galerie Arts Sutton (7, rue Academy, Sutton), jusqu'au 20 septembre.

Les deux galeries sont ouvertes du jeudi au dimanche, de 13 h à 17 h.