Conceptuelle ou documentaire, classique ou avant-gardiste, identitaire, d'actualité: Madrid explore jusqu'à la fin du mois d'août la foisonnante photographie d'Amérique latine, encore peu connue en Europe.

C'est l'un des axes de PhotoEspaña 2015, devenu l'un des festivals de photographie de référence du continent européen, dans le cadre duquel s'exposent à partir de cette semaine et jusqu'en août 395 artistes.

«La photographie d'Amérique latine est encore inconnue ici. Les grands noms ont des expositions et des publications, mais il reste encore beaucoup d'inconnus», explique à l'AFP la directrice de PhotoEspaña, María García Yelo.

Une centaine de salles leur sont ouvertes cet été, à Madrid et alentours mais aussi Lisbonne et même au-delà, à Londres et Paris, où PhotoEspaña s'exporte.

Ana Casas Broda, Mexicaine qui expose dans la capitale espagnole depuis lundi, constate d'ailleurs que bien des regards se sont tournés vers le continent, notamment son pays qui traverse «une étape si compliquée, avec tant de mort et de violence, où la photographie semble réagir de manière très vitale».

Un cordon ombilical, une femme enceinte dans une baignoire, un enfant au visage barbouillé de lait: Ana Casas Broda a travaillé sept ans sur l'expérience transformatrice de la maternité en se servant d'images d'elle-même et de ses deux enfants, souvent nus.

«Je joue autour de cette frontière, de ce qui se passe avec le corps, le contact, l'affect et la double morale de l'époque, où tout ce qui se rapproche d'un contact physique est sexuel et catalogué de manière négative», dit-elle.

Ana Casas est également commissaire d'une exposition collective rassemblant 53 photographes mexicains et notamment des auteurs explorant leur identité indigène.

Un autre projet, «l'Amérique latine est un peuple («pueblo» en espagnol, signifiant aussi village) au sud des États-Unis», réunit 99 artistes dans une exposition où des paroles de chansons servent de fil conducteur au choix des photos, de la Casa en el aire (La maison en l'air) de Rafael Escalona, en passant par Plástico de Rubén Blades.

«Un atlas photographique» résume le commissaire de celle-ci, le Colombien Andres Fresnada.

«Saisir la beauté des femmes»

D'autres - Latin Fire ou Trame d'Amérique centrale, un regard collectif sur les migrations -, apportent au festival un caractère plus social.

Sans être exhaustif, PhotoEspaña explore des auteurs déjà reconnus comme l'italienne Tina Modotti, les mexicains Manuel Carrillo et Lola Álvarez Bravo, le brésilien Mario Cravo Neto.

Celui-ci, avec ses très gros plans aux lumières saturées, ses couleurs vives et ses images floues, raconte Salvador de Bahia, sa ville natale, dans les années 1980 et 1990. Ces photos sont exposées aux côtés de clichés de New York et de portraits très personnels en noir et blanc, sa première rétrospective européenne.

«Le regard de l'artiste dépasse la photographie documentaire et tente de refléter le syncrétisme des cultures et des ethnies» du Brésil, explique Oliva María Rubio, qui dirige l'exposition.

Le Cubain Alberto Korda, mérite aussi une mention spéciale, avec des clichés pris avant et après la révolution, 60 photos de femmes réalisées entre 1952 et 2001.

Lui qui devait immortaliser les chefs révolutionnaires a finalement toujours le même leitmotiv: «saisir la beauté des femmes», souligne la commissaire Ana Berruguete.