La Presse a eu le privilège d'assister à l'arrivée d'oeuvres du sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) faisant partie de l'exposition Métamorphoses - Dans le secret de l'atelier de Rodin, qui sera présentée par le Musée des beaux-arts du 30 mai au 18 octobre. Compte rendu.

Un travail délicat

En provenance de l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, trois camions chargés de transporter les oeuvres sont arrivés les 8, 9 et 11 mai au débarcadère du garage du Musée des beaux-arts de Montréal. Trois voyages à bord d'avions d'Air Canada ont été nécessaires pour importer à Montréal les 120 oeuvres de l'exposition appartenant au musée Rodin, à Paris. D'autres oeuvres sont arrivées des États-Unis par camion et par avion. Les camions en provenance de Dorval contenaient chacun une dizaine de grosses caisses en bois. Une fois à destination, les oeuvres ont été installées dans le musée selon des thématiques préétablies, sous les regards attentifs des commissaires Nathalie Bondil, directrice du MBAM, et Sophie Biass-Fabiani, et des techniciens du Musée des beaux-arts.

La main de Dieu

Supervisés par Richard Gagnier, chef du service de la restauration, les techniciens du MBAM viennent de placer, avec des gants, la sculpture La main de Dieu sur son socle, selon la recommandation des commissaires Nathalie Bondil et Sophie Biass-Fabiani, conservatrice en chef du patrimoine au musée Rodin, qui l'ont logée à l'entrée de l'exposition, car elle introduit l'acte de modeler de Rodin. Mme Biass-Fabiani et sa régisseuse, Diane Tytgat, discutent de l'angle donné à cette oeuvre afin que la main soit la première chose que verra le visiteur. «On présente la main de dos, ce qui donne envie au visiteur d'aller voir ce qui est à l'intérieur», dit Sophie Biass-Fabiani. Rodin a sculpté La main de Dieu avec Adam et Ève contenus dans une énorme main.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Le Penseur

Formée en sculpture, la directrice du MBAM, Nathalie Bondil, était très émue d'accueillir une version d'une des plus célèbres sculptures de Rodin et de l'histoire de l'art, Le penseur, en provenance du musée Rodin. «C'est la première fois qu'un Penseur en plâtre de cette taille est exposé au Canada, dit-elle, ici en présence de Sophie Biass-Fabiani. On l'a placé aligné avec L'homme qui marche afin que ce soit la colonne vertébrale de cette salle de sculptures et que Le penseur puisse la dominer.»

Photo Marco Campanozzi, La Presse

L'homme qui marche

Autre sculpture en plâtre de Rodin jamais présentée au Canada dans la taille qui a fait sa notoriété, L'homme qui marche a nécessité la venue à Montréal d'un restaurateur et installateur du musée Rodin, Marcel Molac, pour la monter sur place. «L'oeuvre est constituée de quatre morceaux - la base, les deux jambes et le buste - qui ont été transportés séparément, dit Sophie Biass-Fabiani. La difficulté, c'est que le buste de 80 kg s'emboîte dans les jambes, mais il faut légèrement écarter les jambes pour que ça rentre dedans, et ce, doucement, car le plâtre, c'est très fragile. Après, ça tient tout seul.»

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Agencer

Ici en présence du conservateur des arts décoratifs anciens au MBAM et commissaire adjoint de l'exposition Sylvain Cordier, Sophie Biass-Fabiani explique qu'elle a voulu rapprocher la petite sculpture en plâtre de saint Jean-Baptiste (qu'on ne voit pas sur la photo), le buste en bronze de L'homme qui marche et La tête de saint Jean-Baptiste, qu'elle est en train d'installer, bronze réalisé par le fondeur Alexis Rodier et qui appartient au Musée de Joliette.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Masque de Hanako

Pièce «favorite» de Nathalie Bondil, l'oeuvre que manipule le technicien Marcel Marcotte, sous le regard de Sophie Biass-Fabiani, s'intitule Masque de Hanako. «C'était une actrice japonaise qui avait fasciné Rodin qui en a fait le portrait à plusieurs reprises, dit Nathalie Bondil. Regardez comme c'est beau!» L'idée initiale d'Auguste Rodin avait été de restituer l'expression d'angoisse qui l'avait saisi quand il avait vu l'actrice pour la première fois sur scène.

Des carnets d'esquisses

Il n'y a pas que des sculptures à installer pour cette exposition. Il y a aussi des pages de carnets d'Auguste Rodin dans lesquels on peut apprécier son travail de dessin au crayon de modèles qui posaient pour lui dans son atelier. «Ses esquisses avant-gardistes étaient faites très rapidement, dit Sophie Biass-Fabiani. Il y a aussi des dessins repris à l'aquarelle postérieurement, notamment une danseuse cambodgienne faisant partie d'une troupe de danseuses venues à Paris à l'Exposition de 1906. Fasciné, Rodin avait suivi ces danseuses de 12-13 ans jusqu'à Marseille.»

Une rare ébauche en terre cuite

Le technicien Marcel Marcotte présente une pièce très rare, Balzac en robe de chambre, une esquisse modelée en terre cuite en 1897 par Auguste Rodin, une pièce qui n'a pas été moulée par la suite. «Quand on la regarde de près, on voit la technique de modelage de Rodin, la façon avec laquelle il a manipulé l'argile», dit Nathalie Bondil. «C'est le résultat d'une première pensée de Rodin, à une toute petite échelle, de ce qui deviendra la robe de chambre de Balzac», ajoute Sophie Biass-Fabiani.