La commissaire et historienne de l'art québécoise Louise Déry figure parmi les lauréats des prix du Gouverneur général en arts visuels et médiatiques, dont les noms ont été annoncés en début de semaine. Portrait d'une découvreuse qui a lancé la carrière de David Altmejd, entre autres artistes.

Dans sa carrière, Louise Déry a exposé, encouragé ou soutenu de grands artistes plasticiens tels que Roy Lichtenstein, Françoise Sullivan, Michael Snow, Annie Leibovitz, Geneviève Cadieux, David Altmejd, Dominique Blain, Manon de Pauw, Jana Sterbak, Shary Boyle ou Raphaëlle de Groot. Comme cadre d'un musée régional, d'un musée national, d'un musée semi-privé puis d'une galerie universitaire, tout comme en enseignant ou en élaborant des concepts d'expositions et des monographies, elle a couvert tout le spectre du milieu de l'art.

Pourtant, Louise Déry explique qu'elle a bien failli être biochimiste! Mais avec une mère professeure de piano, un père administrateur et des amis qui aimaient l'art avec un grand A, elle a choisi de voyager dans le temps, dans l'espace et dans l'univers de l'humanité. Elle s'est inscrite à l'Université Laval en histoire de l'art.

«L'art est un très bon domaine pour les gens qui n'arrivent pas à choisir ce qu'ils veulent faire dans la vie, dit-elle en riant. Mais c'est vrai que l'art, c'est un voyage.»

Louise Déry se souvient de l'arrivée de Fernande Saint-Martin au campus de Sainte-Foy.

«Les cours de la conjointe de Guido Molinari ont été déterminants pour moi. Elle m'a fait entrer dans l'univers de Molinari, Gaucher, Gagnon et Tousignant. S'approcher de l'art, c'était s'approcher d'un certain savoir. Pour moi, le rapport à l'art est un rapport intellectuel.»

Louise Déry est une tête chercheuse. Elle adore chercher, apprendre, comprendre. C'est sa philosophie. Elle a d'ailleurs dû l'appliquer tôt - et seule - puisqu'à 31 ans, elle est devenue directrice du Musée régional de Rimouski et a organisé, en tant que commissaire, un colloque, L'esprit des lieux, qui marquera son cheminement d'une empreinte pluridisciplinaire.

«Malgré mon désir de m'approcher de façon assez fine et spécifique de la création artistique, j'avais déjà un pied dans le littéraire, et c'est devenu une partie de ma signature», dit-elle.

C'est à ce moment-là que s'est défini son attrait pour l'exposition chantier, pour la création d'oeuvres qui découlent d'idées. «Dès le départ, j'étais une commissaire entrepreneure, dit-elle. Pour faire en sorte de travailler, en dehors des musées, avec des artistes.»

Elle est restée cinq ans au Musée national des beaux-arts du Québec. Elle y a réalisé l'exposition Un archipel de désirs, qui permettait aux visiteurs de prendre acte de la gloire extérieure de plusieurs artistes québécois. Cette initiative l'a amenée à étudier les «voies de sortie» de l'art canadien vers l'extérieur.

«Ç'a inauguré une obsession que j'ai toujours eue, soit d'essayer, par la force de la conviction et par la qualité du travail, de soutenir des expériences à l'étranger pour les artistes que je défends.» Ainsi, après avoir coordonné 17 expos en deux ans et demi de présence au Musée des beaux-arts de Montréal, Louise Déry a pris en charge en 1997 la Galerie de l'UQAM, tout en s'occupant d'expositions en Europe, dont certaines ont eu un retentissement, comme Espaces intérieurs ou Le corps, la langue, les mots, la peau, en 1999, à Paris et Barcelone.

Choisir les artistes

Louise Déry avoue son intérêt pour les artistes attachés à une réflexion, à un projet intellectuel qui guide leur expérimentation artistique. «Je peux nommer là-dedans autant Stéphane La Rue que Rober Racine», dit-elle. Elle aime aussi les artistes ancrés dans le sujet politique ou le patrimonial, et cite alors autant Dominique Blain qu'Aude Moreau ou Myriam Jacob-Allard.

Après avoir mis en place un programme de publications à la Galerie de l'UQAM, elle a voulu «outiller» les artistes avec lesquels elle avait envie de travailler. Elle a réalisé 25 monographies qu'elle a ensuite expédiées, traduites, à l'étranger pour faire rayonner ces artistes. «Dans ce cadre-là, un artiste a joué un rôle significatif, c'est David Altmejd, dit-elle. On l'a exposé très tôt à la Galerie de l'UQAM puis en Belgique, soit pour la première fois en Europe.»

Quand le sculpteur a commencé à obtenir du succès, Louise Déry a écrit un premier livre sur lui pour le faire connaître, notamment au Canada. Un outil qui a mené à la participation de David Altmejd à la Biennale de Venise en 2007. Depuis, l'étoile du sculpteur n'a pas cessé de briller...

Quelles sont les ambitions de Louise Déry en cette année où elle franchit la barre symbolique de la soixantaine? «Je suis tellement une personne du présent que mes ambitions sont au présent, répond-elle. Je suis en train d'écrire le catalogue d'Aude Moreau, je travaille sur le projet de Jean-Pierre Aubé à Venise et je continue de faire un peu de mentorat auprès de jeunes dans la trentaine dans lesquels je me reconnais. L'idée de retraite n'existe pas chez moi, alors nous avons une petite maison d'édition avec Monique Régimbald-Zeiber afin d'être sûres d'être occupées jusqu'à la fin de nos jours!»