L'expo Björk au MoMA a réussi à faire quelque chose de très rare à New York: l'unanimité. Petit problème: elle fait l'unanimité contre elle. Autopsie d'une déception, ou comment l'expo la plus attendue de la saison est devenue la plus décriée.

En achetant votre billet pour l'exposition Björk au Museum of Modern Art (MoMA) de New York, vous obtenez un plan. Petit conseil: ne le perdez pas. Organisée sur trois étages, l'exposition est quelque peu labyrinthique et se visite en prenant la file, quatre fois plutôt qu'une.

Si bien qu'à force d'être pris dans des queues en accordéon, on a parfois l'impression d'être dans un aéroport.

La bonne nouvelle? L'univers de l'auteure-compositrice, chanteuse et musicienne islandaise est assurément une destination en soi. Une destination tout à la fois pop et poétique, magique et singulière.

La mauvaise nouvelle? Tout cela est si mal organisé que l'on en regrette presque les couloirs de l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Le critique du New York Magazine a notamment écrit qu'il s'agit d'un «désastre».

D'après le plan, l'exposition débute dans le hall d'entrée du musée. Quatre instruments délirants imaginés pour l'album Biophilia (paru en 2011) sont installés au milieu de nulle part. L'endroit est aussi bruyant qu'un hall de gare et se prêterait davantage à un concert de marteaux piqueurs qu'à des instruments délicats. Premier malaise.

À l'étage, l'expo présente Black Lake, un court métrage de 10 minutes projeté sur deux écrans. Le clip, réalisé par Andrew Thomas Huang à la demande du MoMA, est saisissant. Il montre Björk Gumundsdóttir (son nom complet) en train d'évoluer dans une grotte, puis dans un fantastique paysage dont seule l'Islande a le secret. Magnifique? Assurément. Transcendant? Non.

Une queue en accordéon plus tard, on arrive dans une grande salle où 32 vidéoclips (environ deux heures de projection) sont présentés en boucle. On y retrouve un grand nombre de chefs-d'oeuvre pop-surréalistes signés par les plus grands réalisateurs: Michel Gondry, Spike Jonze, Chris Cunningham...

Tout le génie de Björk s'y révèle. Ses compositions exceptionnelles, ses collaborations stellaires, ses costumes féeriques, son goût pour des concepts aussi inventifs que délirants, son intérêt pour la technologie... Mais il n'y a aucun contexte, et seuls les plus curieux découvriront le nom des réalisateurs de ses bijoux visuels, sur une toute petite plaque à l'entrée de la salle.

Un étage plus haut et une file plus tard s'ouvre ce qui est censé être le clou de l'exposition: sept salles caverneuses consacrées aux sept albums solos produits par l'artiste entre 1993 et 2011 (de Debut à Biophilia).

Dotés d'écouteurs et d'un iPod qui détecte automatiquement notre positionnement dans les salles, nous sommes invités à déambuler parmi quelques poignées de costumes, d'objets et autres cahiers de notes.

La narration est écrite par Björk elle-même et l'auteure islandaise Sjon. Elle s'apparente à un conte, malheureusement plus poétique qu'informatif.

Il n'y a rien sur sa période avec les SugarCubes, rien sur ses rôles au cinéma et pratiquement rien de concret sur sa vie, sa démarche créative.

Seuls quelques trop rares artefacts, dont la somptueuse robe cloche d'Alexander McQueen (composée de centaines de grelots et utilisée pour le clip de Who Is It) ou le célèbre couple de robots du clip All Is Full of Love, permettent de s'émerveiller l'espace d'un instant.

L'autre bonne nouvelle qui devrait rassurer les fans de la chanteuse? Elle s'en sort sans une égratignure. Son aura de mystère reste intacte. Les problèmes de l'expo ne viennent pas de ses admirables créations, mais du MoMA, qui n'a malheureusement pas su lui rendre justice, cette fois.

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La rétrospective est présentée au MoMa, à New York, jusqu'au 7 juin.

Photo: AFP