Un créateur publicitaire accusant Jeff Koons de contrefaçon, pour une oeuvre qui présente de nombreuses similitudes avec une publicité pour les vêtements Naf-Naf, représentant un cochon secourant une femme dans la neige, a assigné l'artiste américain à Paris, a-t-on appris vendredi auprès de son avocat, Me Jean Aittouares.

Auteur des campagnes de Naf-Naf dans les années 1980, Franck Davidovici est celui qui a introduit le petit cochon dans les publicités pour la marque de prêt-à-porter féminin.

La campagne automne-hiver 1985 dans la presse montrait une jeune femme allongée dans la neige, visiblement victime d'une avalanche. À son chevet, un petit cochon, un tonnelet de Saint-Bernard autour du cou, qui approchait son groin de la brune chevelure de l'infortunée.

L'oeuvre en porcelaine de Koons, datant de 1988, représente une scène très ressemblante. La posture de la jeune femme, ses mèches sur la joue gauche sont les mêmes. En revanche, chez Koons, un haut en résille laissant apparaître les seins de la jeune femme vient remplacer la doudoune à croisillons de la publicité, le porcelet porte des fleurs à son collier et est entouré de deux manchots.

Préalable à une action en justice, un huissier s'est rendu en décembre au centre Georges Pompidou à Paris, où se déroule une rétrospective - jusqu'au 27 avril - consacrée à Jeff Koons, pour prendre en photo, sous tous les angles, l'oeuvre intitulée Fait d'hiver, comme la publicité, et saisir divers documents.

Le directeur de création, qui a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, demande principalement la confiscation de l'oeuvre - dont il souhaite faire donation à l'État français - et des recettes réalisées par Jeff Koons du fait de sa vente et de son exploitation. Il sollicite également 271 000 euros de dommages et intérêts au total.

Il demande en outre le versement de sommes provisionnelles relatives à la représentation de l'oeuvre de Jeff Koons dans des ouvrages, dont le catalogue de l'exposition.

À la demande du prêteur, l'oeuvre a été retirée de l'exposition au centre Pompidou, a annoncé fin décembre son directeur, Alain Seban.

Dissimuler ses sources 

«Une large part de la création moderne et contemporaine repose sur le concept de citation, voire d'appropriation. Il est essentiel que les musées puissent continuer à rendre compte de ces démarches artistiques», soulignait-il dans un communiqué.

Dans une lettre ouverte, l'avocat du créateur des campagnes Naf-Naf y a apporté une réponse cinglante: «L'appropriation, au sens où vous l'entendez, n'est rien d'autre, juridiquement, qu'un acte de contrefaçon. Elle porte, en cela, atteinte aux droits fondamentaux de l'auteur de l'oeuvre première, de même qu'un vol, par exemple, porte atteinte aux droits fondamentaux du propriétaire du bien volé».

Me Aittouares souligne que «les citations [...] ne sont autorisées que si elles sont courtes et si l'oeuvre évoquée ou partiellement reprise est clairement identifiée».

Pour lui, «lorsque, comme c'est le cas ici, l'oeuvre est intégralement reprise et que l'auteur dissimule ses sources, la démarche confine à l'accaparement et peut difficilement être assimilée à une démarche artistique».

L'avocat estime qu'il «ne paraît pas imaginable [...] qu'une institution telle que le Centre Pompidou puisse, par la voix de son président, cautionner de tels actes».

Il existe quatre exemplaires de Fait d'hiver, dont l'épreuve d'artiste qui a été exposée à Beaubourg, faisant partie de la collection Prada.

Cet exemplaire a été vendu environ trois millions d'euros en 2007 chez Christie's à New York.

Jeff Koons est par ailleurs accusé de plagiat par les ayants droit d'un photographe français pour une oeuvre en porcelaine représentant deux enfants nus. Comme Fait d'hiver, elle fait partie de la série Banality, «dont le principe même est de partir d'objets achetés dans le commerce ou d'images issues de la presse», comme le rappelait le directeur du centre Pompidou.

Jeff Koons a déjà été condamné aux États-Unis pour plagiat.