Quelles sont les expositions à voir ce week-end? Chaque vendredi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée montréalaise de galeries et de centres d'artistes. À vos cimaises!

Réalisme magique

La toujours très courue exposition hivernale de la Maison des arts de Laval nous offre cette année le travail de Lalie Douglas. L'artiste aime raconter des histoires, mais aussi écouter celles des autres: les nôtres.

De petites maisons blanches posées sur des tables, une commode, un lit. Espace vierge où l'on peut se projeter comme spectateur. Mais il s'agit aussi d'un territoire brisé, comme l'indique le titre de l'exposition de Lalie Douglas: Broken land. Histoires contées et racontées.

Il se passe quelque chose d'étrange dans ces maisons. Rien de tragique, rassurez-vous, plutôt du ludique, comme si le vide et le réel étaient fatigués de la réalité.

«Ce n'est pas du réalisme comme tel, peut-être du réalisme magique. Je me suis donné la permission de conter quelque chose de fantastique qui se rapporte aux émotions», explique Lalie Douglas.

L'artiste, qui a perdu sa mère l'an dernier, a voulu évoquer la précarité de la vie, mais une vie qu'elle nous invite à investir et à inventer ou à réinventer de façon ludique.

Le cadre de sa proposition est tout de blanc sur fond noir. Au fond de la salle, un magnifique ciel nocturne, étalé sur huit panneaux, agit en contraste et en complément avec l'installation.

«Le mur a beaucoup évolué. C'est devenu des constellations plutôt qu'un simple ciel étoilé. Ça va dans l'idée de conter de nouvelles histoires par rapport à ce qu'on peut voir dans les maisons.»

Cinq répliques à différentes échelles de la maison de sa petite enfance sont exposées devant l'écran noir.

«On bâtit sur l'exposition précédente et j'ai un vocabulaire d'images qui me suivent: la maison, les plantes, les oiseaux, les nuages... J'en rajoute chaque fois. Je me suis aperçu que j'avais oublié que la maison dans mon travail était celle de mon enfance à Côte-Saint-Paul.»

Gentils cataclysmes

Chaque maison est entourée de deux visionneuses qui montrent en animation 3D des versions différentes de ce qui se passe à l'intérieur. Ces microrécits en boucle mettent en scène une inondation, un orage, une forêt dévastée, un glissement de terrain.

«Ce sont de gentils petits cataclysmes qui se passent à l'intérieur de la maison, dit l'artiste. Comme désastre, ils ne réussissent même pas leur coup puisqu'ils se résorbent d'eux-mêmes. Les seuls humains dans ces histoires sont les spectateurs.»

Les visiteurs, qu'ils soient en couple ou en famille, peuvent se faire leur propre histoire et échanger à ce sujet. Lalie Douglas croit que le besoin de narration est fort chez l'être humain.

«S'il y a deux ou trois éléments dans une exposition, les gens font des liens, dit-elle. Ils se racontent une histoire. Parfois, ça ne ressemble pas à ce que l'artiste y a mis, mais ça se tient. J'aime beaucoup créer des oeuvres qui offrent des portes d'entrée pour le spectateur.»

Les visiteurs sont d'ailleurs invités à passer à l'atelier par la suite afin de créer, à l'aide de dessins, leur propre récit en ombres chinoises. Les petits et les grands en raffolent.

___________________________________________________________________________

À la salle Alfred-Pellan de la Maison des arts de Laval (1385, boulevard de la Concorde Ouest), jusqu'au 8 février. Il y aura une visite commentée le 18 janvier à 14 h. La salle est fermée du 24 au 26 décembre et du 30 décembre au 2 janvier 2015.

Marie-Josée Roy à la galerie LeRoyer

Artiste éclectique sculptant l'acier forgé et peignant sur des plaques d'aluminium, Marie-Josée Roy navigue avec une belle aisance entre abstraction et figuration. La galerie LeRoyer présente une quarantaine de ses oeuvres dans le cadre de l'exposition Le chant quantique.

Coiffer l'humain d'une tête d'animal est ancestral. Pourtant, la sculpture de Marie-Josée Roy baptisée Pénélope est originale et attirante, avec sa jolie tête de canard sauvage. Cela explique sans doute que la galerie l'ait judicieusement placée dans sa vitrine donnant sur la rue de la Montagne.

Cette sculpture de femme, aux jambes qui n'en finissent plus, aux grands doigts effilés et aux petits seins délicats, a beaucoup de charme. Tout comme cette exposition où l'on ressent l'impact de l'expérience et du labeur exercé avec passion.

Avec L'hommage et Le chant cantique - qui donne le titre à cette exposition -, Marie-Josée Roy fait émerger des formes humaines d'un amalgame d'acier forgé qui semble exploser. On soupèse dans ces deux oeuvres l'énergie déployée par l'artiste, une sorte de propulsion artistique à la fois contrôlée et libre.

Elle se distingue aussi par ses sculptures suspendues, toujours en acier forgé, dans lesquelles ses personnages semblent jouer. Acrobates en équilibre ou arachnides aux traits humains, on ne sait trop. Mais sa Structure identitaire 8, qui tourne sur elle-même grâce à un petit moteur, est simple et forte en même temps, les deux personnages en opposition semblant se défier du regard.

À la fois poétique, astrale et mystérieuse, l'oeuvre L'onde cantique (84 po x 60 po) est impressionnante. Un couple va s'embrasser. Mobilisante, l'envolée d'amour est mobilisante est imprimé sur une plaque aluminium que Marie-Josée Roy a peinte; son collaborateur et ami Jérôme Prieur y a par la suite gravé des motifs décoratifs finement ouvragés.

Ils se connaissent depuis plus de 25 ans. Pointilliste de talent, Jérôme Prieur donne du relief aux oeuvres de Marie-Josée Roy. Ainsi, après qu'elle eut façonné Le PSI homme et Le PSI femme - deux sculptures très giacomettiennes -, Jérôme Prieur a finement gravé les corps, par petites touches décoratives. Son apport est encore plus évident dans Le païen, une photographie d'un jeune homme imprimée sur une plaque travaillée en microgravure avec une grande minutie.

Voici une présentation artistique qui ne laisse pas indifférent. On regrettera parfois une certaine froideur, voire une tristesse en filigrane. Plaies de notre temps métallique. Mais il faut reconnaître l'excellence de l'expression artistique et une certaine recherche esthétique sans tomber dans l'ordinaire. Et aussi ce risque que prend l'artiste et qui donne des résultats signés, évocateurs et très prometteurs.

On ne manquera pas de jeter un coup d'oeil aux oeuvres des autres artistes exposées dans la galerie, notamment les fameux papillons en aluminium recyclé de Paul Villinski qui sortent d'un violoncelle et se déploient en spirales sur le mur de la galerie.

_____________________________________________________________________________

À la galerie LeRoyer (2170, rue de la Montagne), jusqu'au 16 janvier. La galerie est ouverte durant la période des Fêtes sauf les 24 et 25 décembre et les 1er et 2 janvier.

Photo: fournie par Marie-Josée Roy

L'onde cantique, de 84 po sur 60 po, technique mixte sur métal, gravure faite par l'artiste Jérôme Prieur.

Les autres expos à voir

KARINE PAYETTE

Participante remarquée à l'émission Les contemporains à l'antenne d'ARTV, Karine Payette propose Le dernier intervalle. Voilà une jeune artiste accomplie qui travaille en installation, vidéo et photographie. Ses mises en scène intriguent le public, s'interrogent sur la nature de la vie et de la mort et ce qui les entoure. Elle sait donner vie, en quelque sorte, à ce qui existe hors du temps, à ce qui vient après la vie.

À la maison de la culture Plateau Mont-Royal (465, avenue du Mont-Royal Est). Ouvert du mardi au dimanche. Fermé les 20 décembre, 11 et 17 janvier ainsi que du 24 au 26 décembre et du 31 décembre au 2 janvier.

GIGIOLA CACERES ET DIMO GARCIA

Ces deux artistes d'origine colombienne proposent une oeuvre fort originale alliant des mondes ancien et moderne: Codex Montrealensis. Ils se sont inspirés des cultures préhispaniques pour créer, en dessins, un imaginaire visuel composé d'êtres et d'objets caractéristiques de Montréal. Caceres et Garcia vivent à Montréal depuis cinq ans. 

À la maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce (3755, rue Botrel) jusqu'au 18 janvier. Ouvert du mardi au dimanche. 

CATHERINE PLAISANCE

Avec Traversée, Catherine Plaisance poursuit son exploration des désastres et catastrophes en tout genre. Ses photographies grand format et projections vidéo procèdent par accumulation de débris, de renversements et de lendemains de tempêtes, naturelles ou non. Si fragile, la planète !

À la galerie Plein sud (150, rue De Gentilly Est, local D-0626, Longueuil), jusqu'au 7 février 2015. La galerie sera toutefois fermée du 21 décembre au 9 janvier.

PERRY BARD

La galerie Joyce Yahouda présente jusqu'au 17 janvier l'expo solo de la New-Yorkaise Perry Bard, Out My Window, Down the Alley, Around the Corner and Up the Block. Abordant les «hiérarchies de pouvoir», l'artiste et commissaire américaine expose une installation et une vidéo qui évoquent sa vie quotidienne dans son quartier de New York et l'embourgeoisement qui exclut les moins bien nantis. Sa vidéo Out of My Window, Down the Alley illustre la construction «effrénée» de condominiums.

À la galerie Joyce Yahouda (Édifice Le Belgo, 372, rue Sainte-Catherine Ouest), jusqu'au 17 janvier. En cette fin d'année, la galerie sera ouverte les 20, 23, 30 et 31 décembre.

NICOLAS BAIER REÇOIT LE PRIX DU PUBLIC

L'artiste montréalais Nicolas Baier est le lauréat du Coup de coeur du public de la Biennale de Montréal 2014. Les visiteurs (plus de 40 000 à ce jour) avaient jusqu'au 8 décembre pour voter et ils ont majoritairement choisi la sculpture Eternity, de Nicolas Baier. L'oeuvre en acier inoxydable s'élève à plus de trois mètres et mesure sept mètres de longueur. Ce mur de miroir dissimule un message qui ne peut être vu qu'à vol d'oiseau, soit le mot «eternity». L'artiste recevra une bourse de 10 000 $ de la Collection Loto-Québec, présentateur principal de l'événement intitulé L'avenir (looking forward). La Biennale se poursuit jusqu'au 4 janvier 2015 au Musée d'art contemporain.

Photo: fournie par l'artiste

Karine Payette, Intervalle 1, 2014. 16 cm X 20 cm. Impression numérique sur papier d'archive 1/3 + Épreuve d'artiste.