Longtemps cachée, toujours mal-aimée, Hortense Fiquet était la femme et le modèle préféré de Paul Cézanne. Le Metropolitan Museum de New York lui rend hommage à travers une exposition exceptionnelle, rassemblant pour la première fois la plupart de ses portraits.

Le Met a réuni pour Madame Cézanne, qui ouvre mercredi jusqu'au 15 mars 2015, 24 des 29 toiles peintes par Cézanne d'Hortense Fiquet, sur une période d'environ 20 ans. S'y ajoutent des croquis au fusain et des aquarelles, moins posés, plus tendres.

«C'est la toute première exposition qui réunit les peintures, dessins et aquarelles d'Hortense Fiquet», souligne la conservatrice responsable de l'exposition, Dita Amory.

De cette femme mystérieuse, l'histoire n'a pas retenu grand chose, au delà d'une vie difficile, cachée dans l'ombre de Cézanne.

Née en 1850, elle le rencontre en 1869, alors qu'elle travaille pour un relieur. Elle a 19 ans, il en a 30, et le peintre français (1839-1906) cache cette liaison, ainsi que la naissance de leur fils Paul en 1872, de peur de déplaire à son père banquier qui le finance.

Car pendant très longtemps, Cézanne n'arrive pas à vendre sa peinture.

Le couple vit souvent séparé, même après leur mariage en 1886. Et si Cézanne finalement l'épouse, 17 ans après l'avoir rencontrée, c'est plus pour «légitimer l'héritage de son fils» que par passion, explique Mme Amory.

Mais au fil des années, Paul Cézanne, qui «préférait peindre le familier, pour innover», peint Hortense régulièrement. Elle n'a pas le droit de parler, doit poser pendant des jours et des jours «dans un silence absolu» explique la conservatrice. «Il voulait que personne ne regarde, il ne voulait aucun bruit dans son atelier».

Femme sans âge

Un premier portrait date de 1872, montrant Hortense allaitant leur fils. C'est l'un des rares que le Met n'a pas pu se faire prêter car il doit être vendu aux enchères en février. En 1873-1874, un tout petit portrait sur fond vert montre la jeune femme les cheveux défaits, portant un collier et regardant au loin. Les autres toiles la montrent sérieuse et figée, cheveux tirés, femme sans âge au regard impénétrable, assise sur un fauteuil, posant contre une table, ou, exceptionnellement, occupée à coudre. Jamais elle ne sourit. Et elle ne semble pas vieillir avec le temps.

Les portraits de l'exposition du Met viennent du monde entier, de collections privées ou prêtés par des musées, dont le Musée d'Orsay et le musée de l'Orangerie à Paris, la Fondation Beyeler de Bâle, le musée des beaux-arts de Boston, les musées d'Art de Philadelphie et Sao Paulo, le Yokohama Museum of Art au Japon... Les dessins, plus tendres, plus légers, souvent réalisés le soir chez lui, ont été prêtés par des musées de Budapest, Londres, Rotterdam, Oxford, Berlin...

Clou de l'exposition, quatre toiles de Mme Cézanne dans une même robe rouge, peintes dans les années 1888-1890, et montrées côte à côte pour la première fois.

L'exposition n'est volontairement pas chronologique, et montre aussi, via Hortense Fiquet, l'évolution de la peinture de Cézanne.

«C'était le modèle qu'il a peint le plus, et elle a été essentielle à l'évolution de ses portraits», souligne Mme Amory.