«Je suis un artisan»: l'oeil malicieux, la photographe française Sabine Weiss, 90 ans, évoque sans détour sept décennies d'une carrière multiple entre reportages au long cours, photos de mode et chroniques du quotidien.

Le Salon de la photo à Paris (jusqu'au 17 novembre) présente une rétrospective de son travail, 114 photos choisies par Sabine Weiss elle-même parmi les milliers de clichés pris au cours de sa carrière. «Je ne sais pas combien j'ai fait de photos, dit-elle, de toute façon, ça ne veut pas dire grand chose».

«Parfois sur 20 films, il n'y pas une photo qui soit bonne et d'autres fois, sur un seul film, il y en a plusieurs d'excellentes», explique Sabine Weiss à l'AFP dans son petit appartement au fond d'une cour d'un quartier chic de la capitale.

Née en Suisse en juillet 1924, elle a débuté à Paris comme assistante d'un grand photographe de mode, Willy Maywald, avant d'intégrer sur proposition de Robert Doisneau l'agence Rapho et de travailler pour les plus grands magazines américains (Time, Life, Esquire, Fortune, Newsweek...).

Un parcours éclectique, en couleur comme en noir et blanc, que Sabine Weiss revendique. «Moi j'étais photographe», répond-elle fièrement quand on évoque la spécialisation dans la photo actuelle. «Je faisais un reportage dans un pays, je photographiais quelqu'un de connu, je faisais une couverture de disque....».

Sabine Weiss avait aussi son jardin personnel: des scènes de la vie quotidienne, souvent nocturnes, quand elle arpente Paris avec son mari, le peintre américain Hugh Weiss, devenues pour certaines des icônes. Les enfants y sont souvent très présents - «c'est amusant de jouer avec les enfants de la rue» -.

«Le numérique, c'est formidable»

Son intérêt pour la vie simple des gens lui vaut d'être classée dans l'école humaniste aux côtés de Robert Doisneau, Édouard Boubat, Willie Ronis ou Izis. Une proximité sur laquelle elle reste discrète. «Je photographiais ce qui me touchait personnellement», se contente-t-elle d'expliquer, avant d'ajouter: «Je ne pense pas qu'il faut dire que je suis une artiste, je suis un artisan».

«Bien sûr, il y a un fondement artistique, il faut avoir un oeil, mais la photo est un travail très manuel». Et d'évoquer le casse-tête pour calculer les temps de pose. «C'était beaucoup plus difficile que maintenant, les films étaient très lents».

«Le numérique, c'est formidable, ça fait la netteté, le temps de pose, les objectifs sont merveilleux», ajoute Sabine Weiss sans nostalgie.

Et les photographes actuels? «Ne me posez pas cette question, je ne les regarde pas», répond-elle en souriant. «Souvent, ils font un truc et ensuite ils le reproduisent».

Sabine Weiss est tout aussi discrète à propos de ceux qui l'ont influencée avant d'évoquer deux images «dont elle a mémoire»: une photo de l'Allemand Herbert List - «une cage de football vide» - et une autre des années 1900 intitulée De retour du bal, montrant «des gens en costume devant une diligence coupée en deux».

Aujourd'hui, la photo est partout avec internet et les téléphones intelligents: «c'est très bien, estime-t-elle, autrefois tout le monde faisait des aquarelles, maintenant tout le monde fait de la photo».

Outre l'exposition, le Salon de la photo a demandé à neuf photographes de réaliser un cliché inspiré par une image de Sabine Weiss. Philippe Guionie a ainsi photographié la fille d'une petite Égyptienne au sourire éclatant que la photographe avait saisie à Louxor en 1983 et devenue l'une de ses photos les plus connues. Le Salon présente aussi un film inédit de Stéphanie Grosjean consacré à une vie dédiée à la photographie.