Le centre d'art Virreina de Barcelone consacre à partir de mardi une rétrospective à l'artiste et dissident chinois Ai Weiwei, avec comme pièce de choix sa table de travail et les chaises traditionnelles qui l'entourent, mais sans lui, car il est interdit de voyage.

L'exposition On the Table dessine sa trajectoire depuis ses débuts à New York dans les années 1980, dans les domaines artistique, politique et médiatique, tous explorés par Ai Weiwei, plasticien de 57 ans ouvertement critique du régime.

«Mettre quelque chose sur la table c'est se dénuder, c'est ne rien garder sous la manche et montrer tout ce que l'on est capable de faire», résume la commissaire ayant organisé l'exposition, Rosa Pera.

Les dix chaises en bois, de facture traditionnelle, et la grande table se trouvant habituellement dans le studio pékinois de l'artiste, privé de passeport, ont donc fait le voyage sans lui. Le visiteur peut les faire vivre en s'y installant, et en prenant des photos.

Ai Weiwei, artiste contemporain qui met en scène, pour les détourner, des symboles des traditions chinoises, présente ici plus de 40 oeuvres dont une installation inédite, Cao (herbe en chinois), sorte de tapis confectionné avec des chutes de marbre pointues qui semblent pousser du sol, clin d'oeil à son insolence.

Dans la salle, les murs sont décorés d'images décoratives qui, en se rapprochant, font apparaître des doigts d'honneur. Le mot «Cao», est homophone d'un autre qui veut dire «fuck».

Au fil de l'exposition tous les formats explorés par le prolifique Ai sont exposés, photographie, architecture, sculpture installations, vidéoclips, le but étant de montrer comment par l'image, il met à nu les tensions entre «vérité et mensonge, évidence et ambigüité, contrôle et liberté», dit Rosa Pera.

On peut y apercevoir un vase apparemment ancien avec le logo de Coca-Cola, la carte de la Chine confectionnée avec des bouts de bois issus d'anciens temples et une petite installation de Sunflower Seeds, fausses graines de tournesol en porcelaine issue d'une plus grande, exposée en 2010 à la Tate Modern de Londres, incarnant le peuple chinois.

Une série de photos, Study of Perspective le suit en voyage entre 1995 et 2011. La main iconoclaste d'Ai Weiwei, pointe là encore un doigt d'honneur sur tous les grands symboles de pouvoir, de la Maison-Blanche, en passant par le Parlement à Londres, mais aussi la Joconde de Da Vinci, l'Opéra de Sidney et bien sûr la Sagrada Familia à Barcelone.

Ai Weiwei, né en 1957, formé à l'acacémie de cinéma de Pékin, s'était spécialisé dans les films d'animation.

Cofondateur du groupe d'artistes Les Étoiles, «d'avant-garde» selon lui, ce fils de poète a vécu aux États-Unis entre 1981 et 1993, principalement à New York, où il a fait des études de design et s'est intéressé au «ready made», à Duchamp, Warhol ou encore Jasper Johns. Il a aussi fréquenté à cette époque, selon sa biographie, le poète Allan Ginsberg.

De retour en Chine il a notamment coorganisé en 2000 l'exposition Fuck Off à Shanghai, très critique du régime et a rapidement envahi tous les champs de la contestation, par le biais d'installations, mais aussi de blogues et réseaux sociaux. Il est allé jusqu'à s'intéresser aux milliers de victimes d'un tremblement de terre en 2008 dans la province de Sichouan, dénonçant, dans un film, le manque de transparence des autorités.