D'ascendance québécoise et haïda, le Vancouvérois Raymond Boisjoly avait été retenu pour l'exposition d'art amérindien Beat Nation, l'an dernier, au Musée d'art contemporain de Montréal. Il est de retour à la Biennale de Montréal avec une installation complexe et sombre, (And) Other Echoes, sur l'identité autochtone. La Presse l'a rencontré.

Pourquoi vous êtes-vous inspiré pour votre oeuvre du film The Exiles de Kent MacKenzie tourné en 1961 (et sorti en salle en 2008)?

Le film traite des jeunes Amérindiens qui quittaient leurs réserves du sud-ouest des États-Unis pour aller vivre à Los Angeles dans les années 60 pour des raisons économiques ou pour étudier. On les voit pendant 24 heures vivre au quotidien. Le film ne les décrit pas avec l'habituel point de vue ethnique qu'on avait à l'époque. La situation des Amérindiens vivant dans les villes est une question difficile à aborder aujourd'hui. La première chose qui vient à l'esprit quand on parle des Amérindiens est toujours la question du territoire. Le territoire étant lié à l'expression de l'identité culturelle, quand les Amérindiens vivent dans la ville, leur relation à la culture est totalement différente. Donc, mon travail parle du fait que la narration de cette réalité n'est pas si simple. Il évoque toutes ces différentes trajectoires suivies par des Amérindiens vivant en ville.

Pour (And) Other Echoes, vous avez déformé les images du film après l'avoir «scanné» pendant qu'il défilait sur un iPad placé sur un lecteur optique à plat.

Oui. Les images deviennent en quelque sorte fugitives. J'ai été très intéressé par cette complexité qui consiste à essayer de capter chez ces jeunes Amérindiens quelque chose qui échappe aux circonstances du film lui-même.

Ces 12 images présentées de façon chronologique parlent donc de cette migration qui peut aboutir à une assimilation?

Je ne pense pas que ce soit nécessairement une assimilation. L'«indianité» se manifeste de différentes façons. Il n'y a pas qu'une seule façon d'être autochtone.

Mi-figuratives, mi-abstraites, vos images sont très sombres. Il faut s'approcher très près pour distinguer quelque chose. Cette noirceur, est-ce le destin de ces jeunes?

Leur situation à cet endroit n'est ni bonne ni mauvaise, mais compliquée. Je voulais présenter mon oeuvre de cette façon, car je souhaitais montrer que ces autochtones devant s'acclimater à une ville comme Los Angeles le feraient en se basant en tout temps sur leur «indianité». Les images sont donc montrées partiellement cachées, comme pour un accès qui comprend une certaine retenue d'informations qu'il faut néanmoins considérer. Et on voit parfois les passages d'une scène à une autre comme pour le passage du temps dans le film.

Un texte commençant par «What had happened to our world», a été inscrit sur le sol pour accompagner les images. À quoi correspond-il?

Ce sont les 12 titres de ces 12 images qui essaient de définir un sens sur la difficulté de cette question, soit la situation très dure dans laquelle se trouvent ces jeunes Amérindiens, une situation qui anticipe, d'une certaine manière, la nôtre. Car la question ne concerne pas seulement la situation des jeunes autochtones d'aujourd'hui, c'est beaucoup plus large que ça. Et chaque titre comprend une virgule à la fin, comme en suspension. Ce n'est pas courant pour un titre, mais je m'intéresse aux conventions de l'écriture et cette virgule insinue qu'il y a quelque chose qui s'en vient après, quelque chose qui n'est pas encore résolu.

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(And) Other Echoes, de Raymond Boisjoly. À la Biennale de Montréal. Musée d'art contemporain de Montréal. Jusqu'au 4 janvier.