Simon Denny est une des vedettes de la Biennale de Montréal. Fasciné par la technologie, l'histoire des communications et les liens entre information et monde des affaires, cet artiste néo-zélandais expose au Musée d'art contemporain l'installation All You Need Is DATA: The DLD 2012 Conference REDUX Rerun. Un titre complexe, mais une oeuvre nourrissante...

Âgé de 32 ans, Simon Denny représentera son pays, la Nouvelle-Zélande, à la Biennale de Venise l'an prochain. Metteur en scène de contenu, il s'est rapidement imposé sur la scène internationale de l'art comme un artiste qui braque un miroir sur notre civilisation où l'internet a pris beaucoup de place. Décrit comme «tour à tour critique et complice» du monde numérique, il se considère plus comme une personne qui dépeint l'influence du numérique dans nos vies.

Son oeuvre présentée à BNLMTL est un circuit de 89 panneaux qui résument une conférence sur l'industrie du numérique à laquelle il a assisté en Allemagne en 2012. La Presse l'a rencontré.

Quel a été votre cheminement artistique pour en arriver à créer des installations?

J'ai commencé à peindre à l'école et, comme j'avais un peu de talent, je suis allé à l'université où je me suis rendu compte que l'art allait bien au-delà de la peinture. J'ai commencé à faire de la vidéo, à travailler avec la sculpture et l'installation. J'ai ensuite poursuivi mes études à Francfort, à la fameuse école Städelschule, avec des professeurs comme Mark Leckey, Michael Krebber ou Willem de Rooij, un artiste néerlandais qui crée des films et des installations.

En installation, vous avez travaillé sur le déclin de la télévision.

Dès que j'ai quitté la Nouvelle-Zélande, je me suis intéressé à notre relation avec les écrans. Mon ordinateur portable est devenu mon équipement le plus important. En Allemagne, j'ai beaucoup regardé la télé et je me suis intéressé aux artistes qui ont travaillé avec ce média dans les années 50. J'ai ensuite commencé à créer des sculptures avec des écrans et ç'a évolué vers ce que je fais aujourd'hui. Les panneaux d'All You Need is Data sont d'une certaine façon des écrans.

D'où vous est venue l'idée de créer cette installation qui résume une des conférences Digital Life Design réunissant des scientifiques, des cadres de l'industrie du numérique, des gens d'affaires et des artistes chaque mois de janvier à Munich?

J'étais très intéressé par cet influent réseau de gens qui définissent l'économie du numérique, de l'internet, de la haute technologie, et qui jouent un rôle dans la façon dont on interagit aujourd'hui. Comme j'avais des amis artistes qui y participaient comme panélistes, j'y suis allé. Et puis, il y avait Sheryl Sandberg (dirigeante de Facebook), Jack Dorsey (créateur de Twitter) et Jimmy Wales (cofondateur de Wikipédia), soit le genre de personnes avec lesquelles je veux travailler, des gens qui disaient ce qu'il était important de faire à ce moment-là. Je voulais en conserver une trace et le «monumentaliser» avec une sculpture.

Comment avez-vous procédé?

J'ai eu accès aux allocutions des conférenciers et aux vidéos tournées. J'ai pu en extraire des images en choisissant les expressions faciales que je voulais et les décors de chaque conférence. J'ai ensuite fait un travail graphique pour composer les panneaux correspondant à chaque intervention avec les meilleurs extraits de chaque conférencier. Et le tout, selon l'iOS 6 qu'on utilisait en 2012.

Votre installation est-elle une critique du contenu de la conférence?

Non, c'est plutôt un effort pour voir le plus distinctement possible comment le monde numérique se développe et combien internet a pris de l'importance dans nos vies. Sans dire si c'est une bonne ou une mauvaise chose.

Finalement, vous faites du journalisme factuel?

Exactement. Le journalisme est une des choses les plus importantes dans le monde. Je commence souvent une oeuvre après avoir lu un article. J'aime travailler dans le présent. Et le présent, c'est le terreau du journalisme. J'ai travaillé avec des journalistes, notamment pour mon oeuvre Channel Document qui abordait le dossier du nouveau passeport biométrique néo-zélandais et celui d'une nouvelle télévision publique locale qui a fait long feu. Je l'ai présentée à Art Basel en 2012. C'est une des oeuvres dont je suis le plus fier.

Au Musée d'art contemporain de Montréal, jusqu'au 4 janvier 2015, dans le cadre de la Biennale de Montréal.