D'une bible de Gutenberg à un exemplaire du Capital de Marx, du Reichstag aux camps de concentration, le British Museum de Londres explore 600 années d'une histoire allemande complexe, souvent occultée par les horreurs du régime nazi.

L'exposition, baptisée Germany, Memories of a Nation, qui a ouvert ses portes hier jusqu'au 25 janvier, démarre dans le hall principal du musée, avec une Coccinelle Volkswagen, modèle 1953. Voiture iconique s'il en est, la «voiture du peuple» symbolise aussi parfaitement la renaissance d'un pays laminé après la Seconde Guerre mondiale, souligne Barrie Cook, l'un des commissaires de l'exposition.

Mais le musée n'a pas voulu trop s'appesantir sur la période de conflit qui «domine de manière écrasante» les chapitres consacrés à l'Allemagne dans tout livre d'histoire publié en Grande-Bretagne comme ailleurs, explique-t-il.

Il ne l'occulte pas non plus comme en témoigne notamment une réplique de la grille d'entrée du camp de concentration de Buchenwald portant sur son fronton la glaçante injonction: «Jedem das Seine» («À chacun son dû»).

Au total, ce sont près de 200 pièces, objets hétéroclites - chopes de bière, pièces et billets de banque, bicorne perdu par Napoléon à la bataille de Waterloo... -, tableaux - dont le célèbre portrait de Goethe réalisé par Tischbein - ou sculptures qui ont été rassemblés, pour cette exposition prévue pour coïncider avec le 25e anniversaire de la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre.

Avec l'objectif de rappeler aux visiteurs «une histoire pleine à la fois de triomphes et de tragédies», de guerres et d'inventions.

L'exposition, qui ne suit pas un ordre chronologique, démarre avec une vidéo de la chute du Mur de Berlin, juxtaposée à la carte du pays, qui a beaucoup changé de physionomie au cours des siècles, peinte aux couleurs de son drapeau.

«Antidote aux clichés»

Parmi les objets marquants rassemblés, témoignages de l'ingéniosité et du savoir-faire allemand, une horloge en or fabriquée par Isaac Habrecht sur le modèle de celle qu'il a réalisé pour la cathédrale de Strasbourg, un rhinocéros en porcelaine qui rappelle que la ville de Meissen a réinventé cette matière précieuse, un berceau en bois aux allures très modernes dessiné par l'école du Bauhaus, preuve que «nous vivons dans un monde du Bauhaus: une combinaison d'artisanat et d'art», dit M. Cook.

Un foisonnement lié à la nature décentralisée d'un pays qui a vu se multiplier les centres économiques, culturels et de décision, souligne le conservateur.

Le British Museum évoque aussi le thème peu évoqué des villes et territoires perdus à l'ouest comme Strasbourg et Bâle, ou à l'est comme Kaliningrad, qui a conduit à l'exode de millions d'Allemands. «Les musées allemands, très précautionneux sur la question, n'ont probablement pas la même liberté que nous», explique M. Cook.

Journaliste au quotidien berlinois Tagesspiegel, Bernhard Schulz juge «l'approche (du British Museum) très intéressante».

«Ce n'est pas une exposition historique dans le vrai sens du terme (...) il s'agit davantage d'une histoire des mémoires de l'Allemagne, de ce qui est central à la conscience allemande en général», dit-il.

Pour le quotidien britannique Times, l'exposition «offre une myriade d'antidotes à tous les clichés colportés par les tabloïds sur la plus puissante nation d'Europe».

Sa portée auprès du public devrait être décuplée par une série de 30 émissions programmées sur la radio BBC 4, en collaboration avec le directeur du British Museum, Neil MacGregor.