Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) présente dès samedi l'exposition De Van Gogh à Kandinsky - De l'impressionnisme à l'expressionnisme, 1900-1914. Une occasion de découvrir une centaine de toiles de grands maîtres français et allemands et de replonger dans une époque où l'art était un terreau d'échanges et de paix.

Si, aujourd'hui, la France et l'Allemagne travaillent de concert à la construction d'une Europe bien portante et pacifique, les deux pays ont traversé de sombres périodes aux XIXe et XXe siècles. Pourtant, malgré les patriotismes exacerbés du début du XXe siècle, les échanges interculturels étaient alors foisonnants, les communautés artistiques s'influençant l'une l'autre.

C'est la conclusion à laquelle en est venu un chercheur américain en histoire de l'art, Timothy O. Benson, conservateur du Robert Gore Rifkind Center for German Expressionist Studies au Los Angeles County Museum of Art.

Celui-ci a résumé ses recherches d'une dizaine d'années en créant, en tant que commissaire, une exposition présentée l'été dernier au musée californien et qui se transporte au Musée des beaux-arts de Montréal, en exclusivité canadienne, jusqu'au 25 janvier.

L'exposition découle d'abord et avant tout de l'influence considérable qu'aura exercée le Néerlandais Vincent Van Gogh (1853-1890) sur l'art européen, notamment français et allemand. La présentation de ses oeuvres au public «a frappé l'art moderne comme un éclair», avait déclaré un observateur allemand en 1910. Au début des années 1900, les liens entre artistes français et allemands se tissent loin de l'animosité politique. Les marchands d'art allemands achètent de l'art moderne français. Les oeuvres de Van Gogh sont exposées à Dresde en 1905 et provoquent l'enthousiasme.

L'expressionnisme s'impose

Sans s'estomper, l'influence de l'impressionnisme amène des peintres tels que Matisse, de Vlaminck, Braque ou Derain à emprunter une voie plus «fougueuse», celles du fauvisme. Des peintres établis en Allemagne, notamment les Russes Vassily Kandinsky et Alexej von Jawlensky, empruntent cette voie qui participe au développement de l'expressionnisme des deux côtés de la frontière.

L'atmosphère politique de la période n'a curieusement pas empêché les artistes des deux pays de créer des oeuvres aux couleurs fortes et souvent joyeuses. La vie continue. Mais plus les années passent, plus les artistes s'affrontent à cause de leurs engagements politiques divergents.

D'ailleurs, plus on avance dans l'exposition, plus la lumière baisse dans les salles, pour illustrer l'arrivée des heures sombres d'un conflit qui durera quatre ans et fera neuf millions de morts...

La centaine d'oeuvres exposées - qui provient d'une soixantaine de prêteurs (musées et collections privées) européens, nord-américains et chinois - a été scénographiée par Gilles Saucier dans neuf salles. Elle commence avec l'Exposition universelle de Paris, capitale des arts en 1900, et s'achève avec le début de la Première Guerre mondiale et des images d'archives sur ce conflit.

Plusieurs exclusivités

Les visiteurs peuvent admirer dès aujourd'hui des peintures exceptionnelles jamais présentées au Québec. D'abord, l'Autoportrait de Van Gogh peint en 1887, alors que le peintre étudie l'aspect psychologique de la représentation figurative avec son ami Toulouse-Lautrec.

On a aussi droit à une de ses toiles consacrées au thème du semeur. Celle-ci a été peinte en 1888, alors que Van Gogh est à Arles, dans le sud de la France. C'est la première fois qu'il découvre la lumière de Provence. Il y produira en un an près de 200 toiles.

Parmi les autres toiles présentées en exclusivité au MBAM, citons Les meules jaunes (La moisson blonde) et Faaturuma (Melancholic) de Paul Gauguin, Portrait de Marie Castel d'Alexei von Jawlensky, The White Man de Lyonel Feininger ou encore Sans titre, Improvisation III de Wassily Kandinsky.

L'exposition permet aussi de découvrir avec bonheur des créations de peintres allemands moins connus du grand public, tels que Ernst Ludwig Kirchner, Emil Nolde, Hermann Max Pechstein ou Erich Heckel, des artistes renommés dans leur pays d'origine.

«Cette exposition est un projet extraordinaire, c'est du jamais vu au musée et du très rarement vu au Canada, laisse savoir Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du MBAM. Nous continuons notre exploration de la modernité après nos expositions sur [Kees] Van Dongen, [Lyonel] Feininger ou Otto Dix, dit Mme Bondil. Cette exposition raconte finalement le génie d'une époque, entre folie créatrice et folie meurtrière.»

Le 11 novembre, jour du Souvenir du 100e anniversaire de cette guerre qui devait être la «der des ders», le Centre des arts graphiques du musée présentera une exposition d'affiches de guerre de l'époque créées au Canada, en France, en Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis. Le musée organise également des concerts à la salle Bourgie et des conférences liés à l'exposition.

________________________

Au Musée des beaux-arts de Montréal, jusqu'au 25 janvier. Info: www.mbam.qc.ca