Jouissant d'une solide réputation en Europe depuis 10 ans, David Altmejd présentera la plus grande exposition de sa carrière dès le 10 octobre au Musée d'art moderne de la Ville de Paris. Mise en espace par l'artiste montréalais de 40 ans, Flux est un des événements de la rentrée parisienne en art contemporain.

«Je n'ai jamais été aussi stressé de ma vie. À cause de l'ampleur, à cause de l'attente, mais aussi de la pression.»

À une dizaine de jours du vernissage de Flux, La Presse a rencontré David Altmejd sur les lieux de sa plus grande exposition muséale. Un David Altmejd toujours agréable d'approche et très concentré sur l'enjeu.

«C'est un mélange de stress et d'excitation, explique-t-il à proximité d'une de ses oeuvres que des employés s'affairent à placer. L'expérience est extraordinaire. Les gens du musée sont gentils, intelligents et excités par le travail, mais ça prend beaucoup de temps et d'énergie.»

Fabrice Hergott, directeur du Musée d'art moderne de la Ville de Paris (MAMVP), est à l'origine de l'exposition. «Il suivait mon travail et avait vu plusieurs de mes oeuvres en 2011 à la Fondation Brant [au Connecticut]», dit David Altmejd.

Le MAMVP s'est associé au Mudam du Luxembourg et au Musée d'art contemporain de Montréal, qui présenteront tous deux «une suite» de Flux, respectivement en mars 2015 et juin 2015.

Le musée parisien va exposer quelque 55 oeuvres que David Altmejd a réalisées depuis l'an 2000. Flux n'est pas à proprement parler une rétrospective (l'artiste est trop jeune pour cela), mais un regard sur sa production de 15 ans.

Le flux et la flaque

Le titre de l'exposition découle de l'oeuvre The Flux and the Puddle. Élaborée plus tôt cette année dans son atelier new-yorkais, Le flux et la flaque reflète l'identité artistique de David Altmejd, son va-et-vient entre rêve et réalité, vie et mort, sédentarité et déplacement, exprimé dans un style néogothique et fantastique.

La large boîte en plexiglas est une synthèse de son génie avec ses loups-garous, bodybuilders, tissages, miroirs brisés et têtes d'oiseaux, toute l'histoire de son rapport à la sculpture.

«Je porte beaucoup d'attention au geste de faire de la sculpture, dit-il. C'est pourquoi il y a tant de mains dans mon travail. Elles font référence à l'acte de sculpter, à l'acte créatif», explique David Altmejd.

Oeuvre dramatique, The Flux and the Puddle parachèvera l'exposition parisienne construite par Altmejd autour d'un mouvement évolutif (le flux) tout le long du parcours. «C'est important pour moi de montrer l'importance de la matière, du mouvement, du geste et de l'énergie», dit-il.

David Altmejd travaille ainsi avec les techniciens du musée pour s'assurer que ce flux continu d'oeuvres d'art soit dynamique. Il a disposé ses oeuvres en intégrant le potentiel narratif de l'architecture des lieux. «L'espace me donne toujours de nouvelles idées, dit-il. C'est pour ça que les expositions au Luxembourg et au MAC seront différentes.»

Circulation d'énergie

Ainsi, au musée parisien, après le comptoir de la billetterie, le visiteur sera accueilli en haut des escaliers par un plâtre ailé de six pieds de hauteur, Untitled 9 (Watchers). Une décision qui lui a été inspirée par la Victoire de Samothrace, installée en haut d'un grand escalier au musée du Louvre.

Le parcours débutera par un buste de sa soeur, Sarah Altmejd, 2003, au trou noir à la place du visage. Une pièce forte comme amorce de l'expo, car elle représente le néant, «un genre de Ground Zero», dit David Altmejd.

L'artiste a choisi de placer sa sculpture Loup-garou 2, exposée à la Galerie de l'UQAM en 2001, juste avant cinq de ses Géants alignés dans une allée dont un mur est couvert de miroirs.

Les Géants, d'immenses sculptures, seront éclairés de façon dramatique et l'artiste aura pratiqué d'ici là des ouvertures dans les miroirs «pour faire circuler l'air, l'énergie et la lumière».

«Les Géants représentent la nature avant l'arrivée de l'homme et de la femme, dit-il. Dans l'allée, ils deviendront de plus en plus petits. Ensuite, il y aura quelques sculptures à échelle humaine, des plâtres et des bodybuilders qui utilisent leurs mains pour changer la forme de leur corps.»

Les plâtres seront installés sur des boîtes de plus en plus élevées pour créer un mouvement vers le haut. Cette idée de mouvement adapté aux lieux a convaincu David Altmejd de créer une oeuvre in situ faite de larges griffes tracées profondément dans la surface murale, imprimant une sorte de force centrifuge.

Tout près, Altmejd installera au plafond, la tête en bas, Son 3, une des sculptures de sa série Relatives. Dans une deuxième partie de l'expo, le visiteur découvrira les boîtes en plexiglas qui ont fait sa renommée.

Les premières boîtes seront abstraites, puis des têtes apparaîtront dans les suivantes jusqu'à l'opératique The Flux and the Puddle - et ses personnages complets - en fin de parcours.

L'artiste a réalisé récemment deux nouvelles pièces, elles aussi présentées suspendues à l'envers et intitulées Spectre assis et Le nouvel espace qui représente un homme nu à la peau blanchâtre et à la poitrine velue. Après le vernissage de son exposition parisienne, David Altmejd retournera dans son atelier new-yorkais pour créer. «Mon travail à l'atelier est indépendant de tout, dit-il. Mais l'expo me donne de nouvelles idées. En ce moment, j'ai envie de faire des têtes, de me concentrer sur des têtes...»

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Au Musée d'art moderne de la Ville de Paris du 10 octobre 2014 au 1er février 2015.

Ils disent de lui...

Louise Déry, directrice de la Galerie de l'UQAM et spécialiste de David Altmejd

«Le travail de David est déjà très apprécié de bon nombre de collectionneurs européens qui ont acquis des oeuvres majeures ces dernières années. Comme il est représenté par une formidable galerie à Bruxelles [Xavier Hufkens] et par Stuart Shave à Londres, ses oeuvres sont vues en sol européen depuis 2005. Le public parisien prendra la mesure de ce travail ancré dans les grandes traditions sculpturales, qui déborde d'une matière jubilatoire et qui porte l'empreinte de la main de l'artiste.»

Fabrice Hergott, directeur du Musée d'art moderne de la Ville de Paris

«David Altmejd est l'artiste d'une vision originale, riche et profonde. Dans l'histoire de la sculpture moderne, il est celui pour lequel l'intérieur et l'extérieur, le tactile, le visible, le virtuel et l'invisible se retrouvent dans un seul et même espace, celui qui démode tout ce que nous croyons savoir de l'espace dans lequel nous vivons. [...] Dans le domaine de la sculpture (mais le terme est pauvre dans le cas de son travail), il me semble être l'artiste le plus important depuis Matthew Barney.»

Biographie de David Altmejd

1974: Naissance à Montréal

1998: Diplômé de l'UQAM

2001: Diplômé de Columbia, New York

2005: Premier solo en Europe, chez Xavier Hufkens, à Bruxelles

2007: Solo à la Biennale de Venise

2009: Lauréat du prix Sobey

2011: Expo solo à la Fondation Brant (Connecticut)

2012: Expo solo à la galerie Stuart Shave, à Londres

2013: Expo solo chez Xavier Hufkens, à Bruxelles

2014: Expo solo chez Andrea Rosen à New York