Alors que le gouvernement libéral souhaite réaliser des économies au sein du réseau muséal québécois, le président du C.A. du Musée d'art contemporain de Montréal, Alexandre Taillefer, estime que les coûts d'exploitation du musée seraient moindres s'il avait le même statut semi-privé que le Musée des beaux-arts de Montréal.

Président du conseil d'administration du Musée d'art contemporain de Montréal (MAC) depuis deux ans et demi, Alexandre Taillefer veut transformer ce musée en une institution forte, saine et de réputation internationale... comme le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Mais pour cela, il aimerait avoir les coudées franches.

Quand Québec suggère de regrouper la gestion de certaines activités de grandes institutions culturelles, notamment celles du MAC et du MBAM, pour des raisons financières (comme l'a révélé Le Soleil hier), M. Taillefer rétorque que cela n'aura aucun effet bénéfique pour le MAC.

«J'ai étudié en profondeur la comptabilité du musée et il n'y a pas tant de synergie à faire que ça, dit-il. Peut-être pour les communications et le marketing, mais pas pour les opérations. On est passé de 125 à 60 employés, alors il n'y a plus de gras! Le seul gras qui reste, c'est l'équipe qui doit être au service du gouvernement pour remplir des rapports mensuels. C'est incroyable, le travail qu'on a à faire pour ça!»

Il souhaite donc que Québec commence à réfléchir à la possibilité de donner plus d'autonomie au MAC. «Ce serait bien d'obtenir un statut équivalent à celui du MBAM, un musée encadré par la loi dans une dynamique semi-privée, et non pas un musée d'État», dit l'homme d'affaires.

Ce changement de statut permettrait au MAC d'avoir droit à d'autres sources de financement, notamment aux subsides du Conseil des arts et des lettres du Québec et à ceux du Conseil des arts de Montréal, et de réduire ses dépenses fiscales.

«Les coûts liés au fonctionnement d'un musée, il n'y a pas d'économies à faire à ce chapitre, dit-il. Les employés du musée travaillent déjà à 120%. S'ils veulent faire des économies, la seule façon de pouvoir en faire, c'est en fermant le Musée d'art contemporain et en intégrant sa collection [à celle d'autres institutions]. Mais ce n'est pas moi qui vais faire ça.»

Une collection nationale?

Par ailleurs, Alexandre Taillefer n'est pas opposé à une réflexion sur le thème de la «collection nationale», comme l'a proposé Québec, mais pas en supprimant sa gestion par les musées eux-mêmes.

«Le rôle d'un musée est défini par le fait qu'il a une collection, dit-il. Une collection unique qui serait gérée par un seul comité, c'est de la bullshit! On peut trouver des façons de coacheter des oeuvres importantes, de faire de la codétention d'oeuvres d'art et du coinvestissement. Mais l'entretien et l'entreposage gérés à l'extérieur d'un musée, on n'est pas prêts à laisser ça. Cela fait partie de la mission d'un musée.»

La directrice générale du MBAM, Nathalie Bondil, a dit à La Presse hier que «même si les deux musées travaillent extrêmement bien ensemble», une gestion en commun de certaines activités ne serait pas «compatible», puisqu'ils n'ont pas le même statut administratif.

«Le modèle d'affaires du MBAM est extrêmement performant, dit-elle. Je ne pense pas que ce soit de l'arrogance de le dire. C'est une constatation.»

Devant la suggestion d'Alexandre Taillefer, Mme Bondil réagit ainsi: «Je dirais, d'un point de vue personnel, que plutôt que de centraliser, d'étatiser et d'apporter plus de contraintes bureaucratiques aux institutions, il vaut mieux les rendre plus flexibles. Cela ne veut pas dire un désengagement de l'État, bien entendu, mais cela veut dire de les rendre plus perméables à une réalité quotidienne qui va très vite. Les résultats du MBAM sont la preuve que son modèle d'affaires est à la fois très sain, très transparent et très efficace.»