Yves Jeanson possède un trésor et cherche à le partager: l'oeuvre du dessinateur abstrait Zanis Waldheims, un artiste letton qui a vécu et créé à Montréal. Avec passion.

C'est l'histoire d'un homme qui a connu des épreuves, qui a joui d'une deuxième vie grâce à l'art, qui a beaucoup lu, créé et réfléchi. C'est l'histoire de l'artiste Zanis Waldheims, mais ce pourrait aussi être celle d'Yves Jeanson.

Retraité, le père de la cycliste Geneviève Jeanson connaît une deuxième carrière: étudier et comprendre l'artiste Zanis Waldheims. Il est en train d'écrire la biographie de l'artiste d'origine lettone et s'en inspire aussi pour créer ses propres oeuvres.

Ami de Waldheims pendant près de 20 ans, jusqu'à la mort de l'artiste en 1993, Yves Jeanson est le légataire de son oeuvre et de ses écrits.

«Ça fait 40 ans que je suis dans cette aventure intellectuelle, avoue le retraité. Ça ne tarit pas. J'ai des tonnes de projets. Zanis Waldheims possédait une telle connaissance, une telle culture et une expérience de vie passionnante.»

Quand il l'a rencontré dans les années 70, il avait entendu dire que cet homme énigmatique était artiste. Il l'a d'abord abordé pour voir des oeuvres qui pourraient servir à décorer son appartement.

Il a tout de suite été envoûté par ces dessins d'abstraction géométrique qui font la part belle aux effets de dégradé et à la perspective.

«J'étais fasciné par son histoire, avoue M. Jeanson. Il me parlait de géométrie, d'art, de sociologie, de politique, de religion. C'était impressionnant. Je n'avais que 23 ans.»

De Riga à Montréal

Né à Riga, en Lettonie, Zanis Waldheims est arrivé à Montréal en 1952 après avoir vécu, entre autres, en France. Il a rencontré ici celle qui allait l'accompagner jusqu'à la fin de sa vie, Bernadette Pekss, d'origine lettone elle aussi. 

«C'était un grand francophile et un écorché de la Seconde Guerre mondiale, raconte M. Jeanson. Il a perdu son pays aux mains des communistes sans que le peuple ait son mot à dire. Il a passé le reste de sa vie à essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête des hommes pour en arriver là.»

Agnostique et passionné, Zanis Waldheims passera au moins dix ans à élaborer sa propre théorie de la vie et de l'art, de la place de l'homme dans le monde.

«Il voulait changer le monde, comme tous les artistes, mais lui par le dessin. Il développait un modèle pour expliquer son idéal de l'homme. Principalement en dessin», explique M. Jeanson.

Oeuvre

L'abstraction géométrique est un courant de l'art de l'après-guerre qui a connu ses champions, dont Josef Albers, Victor Vasarely, Ellsworth Kelly et François Morellet. Peu ont autant réfléchi sur leur travail, toutefois, que Zanis Waldheims. Mais son art ne parle pas à tout le monde.

«Il ne comprenait pas que les gens ne comprennent pas. Il faut prendre le temps de saisir son symbolisme. Il a donc déposé sa théorie et ses dessins pour protéger ses droits d'auteur.»

Le travail de Zanis Waldheims se situe à la conjonction de l'art, de la philosophie et des mathématiques. De milieu très modeste, il ne s'est jamais exprimé autrement qu'avec des crayons de couleur sur papier, mis à part quelques bas-reliefs et sculptures.

Waldheims dans le monde

Yves Jeanson a déjà organisé quelques expositions des oeuvres de Waldheims au fil des ans, mais il s'est aussi promené dans le monde et a ainsi attiré l'attention d'autres passionnés de l'abstraction géométrique.

«J'ai découvert Frank Lloyd Wright et l'architecture organique, raconte-t-il. Comme Waldheims dans son journal, il inscrivait lui aussi des signes au bout des mots. J'ai alors compris que ça valait la peine de faire connaître Waldheims.»

En 2008, Yves Jeanson donne une conférence devant l'Association internationale d'esthétique expérimentale sur l'objet de sa passion à Chicago. Il remet ça deux ans plus tard en Allemagne et en 2012 à l'Université McGill, où il rencontre un professeur de Lettonie qui l'invite à Riga: la boucle est bouclée!

«Je dois terminer la biographie à partir de ses journaux intimes, dit Yves Jeanson. J'ai voulu donner la collection à un musée, qui a refusé. Il y a tant de lectures et d'écriture à faire encore. Il faut expliquer son système. Je n'en vois pas la fin.»