L'histoire de la chanson québécoise, on la connaît pas mal. Parce qu'elle est récente et s'écrit encore quotidiennement, parce qu'elle est riche et parce que, par bouts, elle a représenté l'histoire tout entière du Québec.

Pour son exposition Musique - Le Québec de Charlebois à Arcade Fire, le musée McCord, voué à la mise en valeur de l'histoire sociale de Montréal, a fait appel à des gens qui connaissent la musique. Par les deux bouts, pourrait-on dire, si l'on pense à l'auteure, productrice et metteure en scène Claudine Monfette, la grande Mouffe elle-même, qui a dirigé le projet, et à Sébastien Desrosiers, explorateur des venelles de la production chansonnière à qui l'on doit entre autres la compilation Résurrection! consacrée au «rock chrétien» québécois. Brillons en l'Église.

Comme il en est parfois avec les chansons, il faut laisser le temps à cette exposition de nous rentrer dedans. Ainsi, la première des six zones, consacrée à l'époque yé-yé - comme dans She loves you, yeah! yeah! yeah! des Beatles - , n'interpelle pas le visiteur de façon immédiate. Bon... de petites robes à cuisses, mais rien sur Nanette, des tourne-disques portatifs, une télé-stéréo, des journaux de vedettes de 1967: Georges des Mersey's porte aussi la minijupe. On l'avait vu live à L'Épiphanie dans le temps... D'autres réalités historiques: la moitié des Québécois ont moins de 25 ans et, pour la première fois de l'histoire (du monde), les adolescents écoutent leur propre musique. Certains y ont vu un marché.

Parlons surtout de ce long mur rempli de pochettes de disques - les vraies, celles qui contenaient les microsillons de 12 pouces de diamètre sur lesquels le Québec a commencé à se chanter. En ville avec un Dubois qui se «rockisera» avec le temps; à La Manic avec Georges Dor, qui s'ennuyait à mort; à la campagne, dans la rencontre des deux cultures avec Jim (Corcoran) et Bertrand (Gosselin); avec les soeurs McGarrigle, qui avaient décidé de conjuguer, en français, l'urbain et le rural.

Des titres, une centaine en tout, font un retour pour écoute sur l'«audioguide» qu'on vous remet à l'entrée. Envoyez-vous J'ai marché pour une nation de Michel Pagliaro. Avec le volume dans le plancher! Rock «Identi-Terre», diraient les écomilitants d'aujourd'hui.

Au centre, seul dans sa vitrine, le manuscrit barbouillé de Gens du pays de Gilles Vigneault (1975), premier chantre du pays en question (s). En face, Monique Leyrac qui, 10 ans plus tôt, avait triomphé à Sopot avec Mon pays, du même gars de Natashquan. La genèse de toutes les genèses.

La longue vitrine des guitares, par contre, s'avère bien inégale en projection émotive. On s'arrête néanmoins devant la basse de Bill Gagnon du Ville-Émard Blues Band (avec le logo du Canadien), la guitare-collage (Takamine 1980) de Richard Séguin et, poème en soi, une guitare centenaire appartenant à Anna McGarrigle.

À elle seule, plus loin, la «robe-théâtre» conçue par Michel Robidas pour Diane Dufresne - elle la portait au spectacle Top Secret au TNM en 1986 - vaut le coût d'entrée. Parmi d'autres attricures dignes de mention, notons les cuirs à pitons de Voivod, le costume à plumes de Rufus Wainwright (2010), le panache de jeune chevreuil (de la Bitt à Tibi, probablement) que portait Raôul Duguay dans le show de l'Infonie au CEPSUM en 1972.

Dans cette exposition intéressante mais de facture assez classique, on peut aussi se rappeler la musique des Braves et l'apport à la fraternité québécoise des Kashtin et autres Samian. Regarder et écouter Charlebois chanter Ordinaire à l'Olympia de Paris en 1969. Et Leonard Cohen écrivant des poèmes-chansons dans son bain sous l'oeil de la caméra de l'ONF.

Prendre le temps pour faire le plein d'histoires que l'on croit connaître...

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Info: mccord-museum.qc.ca