Dès le 30 mai, le musée McCord présentera Musique: le Québec de Robert Charlebois à Arcade Fire, une exposition qui devrait plaire aux amateurs de chansons... et d'histoire. Et qui illustre combien la musique populaire québécoise de 1960 à nos jours est intimement liée à l'évolution identitaire des Québécois.

Une robe-théâtre de Diane Dufresne, les lunettes d'aviateur de Dédé Fortin, une robe Versace de Céline Dion, un carnet de Loco Locass, un costume de scène de Rufus Wainwright, des guitares de Louis-Jean Cormier et de Richard Séguin, un tambour de Samian...

L'exposition Musique: le Québec de Robert Charlebois à Arcade Fire présentera une centaine d'objets appartenant à des artistes de chez nous. Et ce n'est pas tout: elle plongera le visiteur au coeur d'un demi-siècle de création grâce à des écouteurs qui lui permettront d'apprécier une centaine de chansons.

«On voulait faire une expo sur la musique depuis deux ans. Quand on a regardé les transformations de la musique au Québec, on s'est dit qu'il serait intéressant d'arrimer les changements sociaux à la musique», dit Sylvie Durand, directrice au musée McCord et responsable de l'équipe de création de l'exposition.

Pour définir un concept embrassant à la fois le discours historique du Québec et l'époustouflante vitalité de sa scène musicale, Mme Durand s'est entourée d'experts, notamment Sylvain Cormier, chroniqueur musique au Devoir; le professeur d'histoire Martin Pâquet, de l'Université Laval; Laurent Saulnier, responsable de la programmation au Festival international de jazz, aux FrancoFolies et à Montréal en lumière; Will Straw, de l'Institute for the Study of Canada de l'Université McGill, et Robert Thérien, coauteur du Dictionnaire de la musique populaire du Québec.

Expo en six zones



L'exposition est conçue en six zones jalonnées de chansons liées à un événement historique. Intitulée «L'insolence de la jeunesse», la première zone aborde le yéyé.

Puis, «Rêver de mondes différents» évoque les chanteurs dont les textes ont traduit les aspirations politiques ou sociales de leur peuple (Robert Charlebois, Richard Séguin, Loco Locass ou Louis-Jean Cormier).

La zone «Chant des braves» souligne l'apport des artistes autochtones, des Mighty Mohawks à Samian en passant par Kashtin, Willie Dunn ou Elisapie Isaac.

«Vivre sa fantaisie» est marquée par des artistes originaux qui ont brisé des tabous ou des conventions, dont Diane Dufresne, Dédé Fortin et Rufus Wainwright.

L'espace «Pas de géants» décrit les spectacles qui sont passés à l'histoire: de Félix Leclerc à la Butte à Mathieu à Arcade Fire sur la place des Festivals en passant par l'Osstidcho et les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste sur le mont Royal en 1976.

La dernière zone, «Hymnes», comprend les chansons qui ont marqué le temps, notamment L'hymne à la beauté du monde et Quand les hommes vivront d'amour...

La scène musicale québécoise est tellement riche que tous les artistes qui l'ont foulée ne sont malheureusement pas représentés. «Il a fallu faire des choix», dit Sylvie Durand.

Au musée McCord jusqu'au 13 octobre.



L'exposition présente la robe Versace et les chaussures style gladiateur d'Azzedine Alaïa que Céline a portées sur les plaines d'Abraham en 2008. «La matière de la robe est une cotte de maille de métal, dit la styliste de Céline, Annie Horth. Elle moule [le corps] de façon très sensuelle et tombe parfaitement bien, compte tenu de sa lourdeur. Je voulais ainsi faire ressortir le sex-appeal de Céline. Avec les chaussures, cela faisait très amazone.» Annie Horth est partie d'un modèle existant et a créé la robe en noir. «C'est devenu une exclusivité pour Céline, dit-elle. Elle ne l'a portée qu'une fois.»

«C'est un honneur d'être un maillon de l'histoire de la musique du Québec», dit Sébastien Fréchette, alias Biz, de Loco Locass, qui a prêté un manuscrit de la chanson Les géants. «De l'autre côté de la page de ce petit carnet, il y a un couplet de Libérez-nous des libéraux. On peut donc exposer les deux chansons.» Hymne au Québec, Les géants a la force d'une constitution. «Oui, mais elle est signée, celle-là!», dit Biz. Le chanteur est en train de lire Ils ont couru l'Amérique, de Serge Bouchard et de Marie-Christine Lévesque. «C'est ce genre de géants qui constituent notre chanson.»

Quand Richard Séguin préparait un coffret pour ses 40 ans de métier, il y a deux ans, cette guitare Takamine - dont il s'est beaucoup servi à l'époque de Journée d'Amérique - se trouvait dans son atelier de gravure. «J'avais trouvé intéressant d'amalgamer dessus différentes périodes», dit-il. On trouve sur l'instrument la photo de son grand-père, celle de sa fille, une photo de sa blonde et de lui à l'âge de 20 ans et des illustrations rappelant ses tournées, dont une au Mexique dans les années 70. Et même une gravure qu'il a créée pour Jack Kerouac.

Le rappeur autochtone a prêté un tambour huron-wendat acquis d'une artiste de Wendake, en 2009. Le tambour est fait d'un cylindre de bois tourné et de deux peaux de chevreuil. «C'est une pièce d'art, dit Samian. Je l'utilise pour la scène, en tournée et pour le studio, car le tambour a un son particulier.» Le chanteur est honoré de faire partie de cette exposition. «C'est une belle tape dans le dos. En même temps, si on veut parler d'identité et de musique québécoises, c'était inévitable de penser aux artistes autochtones.»