L'ouvrier italien, chez qui ont été retrouvés un Gauguin et un Bonnard volés dans les années 70 et achetés pour une bouchée de pain, s'est dit jeudi «fier» de son goût et «heureux d'avoir vécu si longtemps auprès de tels chefs-d'oeuvre».

Retrouvé par le quotidien La Stampa, l'homme, employé sur les chaînes de montage de la Fiat à Turin avant de prendre sa retraite en Sicile, confie qu'«avoir su apprécier et acheté deux chefs-d'oeuvre sans savoir qu'ils l'étaient, en tant que simple ouvrier, me rend très fier».

«Ce qui me réjouit le plus c'est d'avoir eu le plaisir de vivre aussi longtemps avec eux», ajoute l'ouvrier de 70 ans qui préfère rester anonyme par «peur» car «il y a trop d'argent en jeu».

Les toiles, Fruits sur une table ou nature morte au petit chien, peinte par Paul Gauguin (1848-1903) en 1889, et La femme aux deux fauteuils de Pierre Bonnard (1867-1947), non datée, dévoilées mercredi à Rome, sont évaluées ensemble à plusieurs millions d'euros.

«J'ai toujours été curieux et passionné de peinture», explique le retraité. «Pendant que d'autres allaient au bar ou jouer aux cartes à peine sortis de l'usine, moi je courais les marchés, où les étudiants des beaux-arts vendaient leurs dessins et leurs cadres». «Deux fois par an», il se rendait aux enchères organisées par les chemins de fer.

C'est justement à l'une de ces ventes, en 1975, que l'ouvrier acquiert pour 45 000 lires (23 euros), ces tableaux, abandonnés dans un train après avoir été volés en 1970 au domicile d'une riche famille de Londres, les Marks-Kennedy, morts sans héritier.

«J'ai toujours acheté beaucoup de choses à ces ventes, mais dans mon coeur, ce sont toujours ces deux tableaux qui ont occupé la première place», confie encore le retraité, fier de les avoir achetés «moins cher que le prix de base» proposé à l'enchère et d'avoir «investi dans de belles choses».

«Nicolo», comme il se fait appeler dans le journal, a transmis son goût à ses fils, l'un diplômé des beaux-arts et l'autre étudiant en architecture.

C'est en feuilletant un catalogue de Bonnard que l'un d'eux remarque que le style du maître impressionniste ressemble fort à l'un des tableaux, dont il pensait qu'il était signé par un certain «Bonnato ou Bonnatto».

Du coup, il poursuit ses recherches avec le Gauguin, dont il remarque alors la signature - un chien - au bas de lettres du peintre français.

«Dire que ces tableaux ont failli partir à la poubelle! Mon père m'a raconté que personne n'en voulait aux enchères, il a fallu une deuxième vente, que le commissaire supplie presque pour que quelqu'un les achète», raconte l'étudiant en architecture à un site d'informations sicilien.

À présent, le jeune homme attend les conclusions de l'enquête mais n'exclut pas de les «donner à un musée», ou d'en vendre «un sur les deux», même s'il dit que son père «leur est beaucoup attaché».

Si le parquet de Rome conclut que le septuagénaire a acheté ces toiles «en toute bonne foi», dans l'ignorance du vol, il pourrait devenir très riche. Mais cette perspective effraie cet homme simple: «Les garder chez moi? Impossible!»

Des oeuvres d'art tombées du ciel...

Acquises pour une bouchée de pain ou découvertes par hasard, des oeuvres d'art ont fait parfois la fortune de leur heureux détenteur, parfois non.Voici d'autres cas d'oeuvres d'art découvertes de façon inattendue:

- En mars 2014, un ferrailleur du Midwest américain qui avait acheté un oeuf en or sur un marché aux puces et désespérait de le revendre a finalement découvert qu'il s'agissait d'un oeuf Fabergé impérial dont on avait perdu la trace, estimé à près de 24 millions d'euros.

- En mars 2013, un Américain qui avait chiné six ans plus tôt pour 3 petits dollars un bol chinois dans un vide-grenier l'a revendu 2,23 millions $ chez Sotheby's, la célèbre maison d'enchères. La fameuse poterie, qui ornait sa salle à manger, était en fait un bol Ding millénaire, datant de la dynastie Song, qui a régné en Chine entre 960 et 1279.

- Trois ans plus tôt, en novembre 2010 à Londres, c'est un vase chinois découvert également lors d'un vide-grenier qui a été adjugé aux enchères pour la somme faramineuse de 43 millions de livres (50,7 millions d'euros). La pièce en porcelaine datait du XVIIIe siècle.

- En octobre 2007, une étudiante allemande a eu une heureuse surprise en dépliant le canapé-lit qu'elle venait d'acheter aux puces pour 150 euros: s'y trouvait une peinture vénitienne du début du XVIIe siècle qu'elle a vendue ensuite 19 200 euros aux enchères.

- En octobre 2003, un amateur d'antiquités qui venait d'acquérir pour 4 euros dans un vide-grenier près de Nancy une petite huile sur carton l'a revendue 68 000 euros aux enchères. Il s'agissait en réalité d'une oeuvre du peintre pointilliste Maximilien Luce, datant de 1892.

Par ailleurs en 1991, deux natures mortes d'un maître de l'École flamande, Jacob Van Hulsdonck (1582-1647) reléguées dans un grenier de l'hôpital de Melun apparaissent au grand jour.

L'année suivante, une sculpture représentant la «Vierge à l'enfant», installée dans une église de Chatellerault, est identifiée comme étant de la main du sculpteur de la Renaissance Germain Pilon (1528-1590).