Le Bal du moulin de la Galette, célébrissime tableau d'Auguste Renoir, est arrivé cette semaine sous bonne garde à Pékin, où il va être exposé avec neuf autres chefs-d'oeuvre prêtés par la France pour marquer ses 50 ans de liens avec la Chine populaire.

Parmi ces toiles issues des prestigieuses collections publiques françaises figurent Le Matador de Pablo Picasso et le Portrait en pied de Louis XIV en grand costume royal de Hyacinthe Rigaud, conservé au château de Versailles.

«C'est la première fois qu'on a un rassemblement venu du Louvre, de Versailles, d'Orsay, de Picasso et de Pompidou de dix chefs-d'oeuvre qu'on peut qualifier de chefs-d'oeuvre absolus et que tous les milieux de l'art dans le monde entier reconnaissent instantanément», assure Jean-Paul Cluzel, président de la Réunion des musées nationaux, l'opérateur du projet.

Lors d'un dîner d'État la semaine dernière au palais de l'Élysée à Paris en l'honneur du président chinois Xi Jinping, M. Cluzel avait été placé à la gauche de la Première dame chinoise, la cantatrice Peng Liyuan. Il lui a dévoilé en primeur les chefs-d'oeuvre, en faisant défiler des photos sur son téléphone intelligent.

Le tableau le plus ancien remonte à environ 1530. Il s'agit du Portrait de François 1er de Jean Clouet, propriété du musée du Louvre.

Le département des peintures du Louvre prête également une toile de Georges de La Tour, Saint Joseph charpentier, réalisée vers 1642 et une autre de Jean-Honoré Fragonard, Le verrou, terminée vers 1777.

Du Centre Pompidou proviennent la Composition aux trois figures de Fernand Léger et une oeuvre abstraite des années 1950 de Pierre Soulages, sobrement intitulée Peinture.

Complètent la liste un autre tableau de Renoir, La balançoire, et un autre de Picasso: La Lecture de la lettre.

«Grandeur» et «galanterie»

«On a essayé de choisir des oeuvres de premier plan, puisqu'elles sont toutes ultra-connues, mais qui en même temps représentent des aspects complémentaires de la vie française», explique Jean-Paul Cluzel, dans une entrevue téléphonique avec l'AFP.

Ainsi, selon lui, si François 1er évoque la «grandeur royale» et Saint Joseph fait référence à la religion catholique, le tableau de Fragonard illustre la «galanterie du XVIIIe», le portrait de Louis XIV «la puissance de la France au Grand siècle» et le Bal du moulin de la Galette, de 1876, l'«âge d'or de la IIIe République».

Les dix toiles, «compte tenu de leur valeur, viennent dans des avions différents», souligne Anthony Chaumuzeau, conseiller culturel de l'ambassade de France en Chine. Les premiers tableaux sont arrivés mardi, les derniers ce jeudi.

La valeur d'assurance totale va de 700/800 millions d'euros à plus d'un milliard d'euros, selon les sources consultées par l'AFP.

«Plusieurs musées à Pékin se sont portés candidats à accueillir l'exposition», poursuit M. Chaumuzeau, mais c'est finalement le Musée national de Chine qui l'a emporté.

Situé dans un gigantesque bâtiment donnant sur la place Tiananmen, ce musée entend jouer dans la cour des grandes institutions mondiales.

Les tableaux y seront exposés dans cinq salles, du 11 avril au 16 juin, avant de prendre pour certains le chemin de Macao, pour une deuxième étape de leur voyage (27 juin-7 septembre).

Sans «la Liberté» de Delacroix

L'envoi des 10 tableaux est un événement phare de la commémoration de l'établissement des relations diplomatiques entre Paris et Pékin, le 27 janvier 1964. Les célébrations se déclinent dans 400 projets étalés sur toute l'année 2014, dans les deux pays.

La grande absente au Musée national de Chine sera La liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix, qui aurait dû être la pièce maîtresse de l'exposition.

Cette toile inspirée de la révolution des Trois Glorieuses (1830) évoque un thème fédérateur pour le Parti communiste chinois - un soulèvement populaire unissant ouvriers et paysans - et figure dans les manuels scolaires des collégiens de la République populaire.

En 1999, Jacques Chirac l'avait envoyée au Japon, d'où elle était revenue abîmée. Puis la toile, jugée très fragile par les conservateurs, a été vandalisée l'an dernier au Louvre-Lens.

Sachant que le tableau, aux dimensions imposantes, nécessitait de surcroît l'utilisation d'un avion-cargo spécial, pour un coût de transport faramineux, l'Élysée a tranché: il restera désormais à Paris.