Située au deuxième étage d'un édifice de la rue Meilleur, la galerie 3C de Claudia Chin accueille jusqu'au 29 mars les oeuvres de deux artistes montréalaises, Michelle Bronner et Ilinca Ghibu, réunies pour une exposition intitulée Réflexion.

Autant pour Michelle Bronner que pour Ilinca Ghibu, la peinture est arrivée, sur le tard, impulsant une seconde carrière. Elles se rejoignent toutes deux dans un style abstrait où s'insinue plus ou moins de figuration.

Sociologue de formation, Michelle Bronner dessine depuis toujours, mais c'est seulement depuis quatre ans que la peinture a pris «toute la place» dans sa vie. Ayant déjà exposé à la galerie Pangée, à Outremont, à Toronto et en France, elle présente pour la troisième fois à la galerie 3C ses oeuvres mi-abstraites mi-figuratives inspirées par des silhouettes féminines ou des objets précieux.

Sa toile Talisman offre une réflexion un peu courte sur l'évocation d'une relique. Plus convaincantes, ses longues toiles d'acrylique et encre de Chine sur papier de riz marouflé, aux coups de pinceau élancés, laissent deviner les formes d'un corps féminin, comme Her et surtout Elle dans des teintes peu soutenues qui suggèrent plus une atmosphère qu'elles ne la décrivent.

«Mon objet, c'est la mémoire, dit-elle. La mémoire fonctionne en strates comme pour mes toiles sur lesquelles j'empile des strates de papier. Je suis inspirée par Matisse, par la façon dont il travaillait ses aplats et pour son dépouillement des formes.»

C'est vrai qu'il n'y a pas de surenchère picturale dans l'exercice tout en élancements et en rondeurs de Michelle Bronner, et une certaine retenue dans l'expression, une expression qu'elle mime parfois, dit-elle, comme une danseuse avant de se lancer. Il y a toutefois de la place pour une mémoire aux entrechats plus jaillissants...

Ex-avocate inspirée par Kandinsky et Delaunay, Ilinca Ghibu en est, quant à elle, à sa deuxième expo depuis qu'elle a décidé de peindre à temps plein. Dans un style très différent et beaucoup plus coloré que celui de Michelle Bronner, sa peinture abstraite donne aussi des pistes d'interprétation figurative quand elle n'est pas sciemment une tentative paysagiste, comme son acrylique «Boqueteau» créé en atelier.

Dans une abstraction bien construite, sa toile Par hasard a, sans symétrie, des airs de jardins d'été florentins. Alternative 2, son oeuvre la plus marquante, est franchement incorporelle avec des volumes et des couleurs d'une belle harmonie. Il manque toutefois un peu de profondeur pour faire ressortir plus de reliefs.

L'artiste précise que c'est à dessein qu'elle essaie «d'abaisser ses couleurs» avec l'ajout de couleurs plus neutres. Discutable. Sur ce point, son tableau À l'envers, moins complexe, fonctionne bien mieux sur le plan des contrastes et de la vigueur des pigments. L'oeuvre a beau être originellement issue d'une table peinte à l'envers, on peut y percevoir une série de cheminées ou la lisière aérée d'une peupleraie au début de l'automne.

«Mon objectif premier est que ma peinture soit agréable à regarder, dit Ilinca Ghibu. Que les gens aient envie de la revoir. Ce n'est pas un message que je veux laisser passer, mais une image forte.» Autant Ilinca Ghibu que Michelle Bronner ont intégré le conseil de Gauguin d'insuffler du rêve dans la création plutôt que de ne penser qu'au résultat. Leur réflexion est sur la bonne voie.

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Oeuvres de Michelle Bronner et Ilinca Ghibu à la galerie 3C, 9150, rue Meilleur, jusqu'au 29 mars.