Olivia Boudreau produit depuis 10 ans un corpus exigeant autour de la féminité et du corps. Commissaire et directrice de la galerie Leonard et Bina Ellen, Michèle Thériault porte un regard sur sa pratique en présentant une quinzaine d'oeuvres, dont une nouvelle vidéo.

«On a des attentes à l'égard des images, dit l'artiste Olivia Boudreau. Si on prend le temps de regarder et de voir, ces images se révéleront pas mal plus complexes qu'il n'y paraît.»

La complexité est à la fois le charme et le tourment de son exposition L'oscillation du visible, un dialogue entre oeuvres parlant la même langue dans des mots différents.

Des oeuvres souvent longues: si vous voulez tout voir dans la galerie du rez-de-chaussée de l'Université Concordia, vous en aurez pour plus de huit jours. En continu!

Intellectuel, le travail d'Olivia Boudreau a une dimension psychique et physique qui réclame un effort du visiteur. Comme Christian Marclay avec The Clock, mais dans un autre registre, l'artiste ébranle notre résistance et avive nos perceptions.

Sa vidéo Box, avec ce cheval filmé dans sa stalle avec lequel on finit par établir une silencieuse intimité, dure 22 heures.

Son oeuvre de fin de maîtrise, Pelages, montre durant plusieurs heures Olivia Boudreau à quatre pattes, vêtue d'un manteau de fourrure.

Son corps se lasse de la pose... tout comme le spectateur. L'oeuvre force à la patience si l'on veut saisir les différentes couches de sens.

Ses installations vidéo ont ainsi la lenteur d'un regard méditatif.

Elles expriment la répétition des gestes quotidiens et le passage du temps. Comme The Clock, justement. Mais s'y greffe parfois un embarras.

Dans Douches (2006), par exemple, le corps rougit à force d'être essuyé. La sensualité et la poésie de l'anatomie féminine pressenties laissent place à une certaine gêne.

La femme semble même affaiblie dans Your Piece (2007), une oeuvre forte où une Olivia Boudreau au nez empourpré, qui déglutit et paraît lutter, parle sans qu'on puisse l'entendre.

Dans Peinture (2004), par contre, elle est en talons hauts et t-shirt rouge, un chien à ses pieds; une oeuvre qui traite de la représentation de la femme et de son souhait d'affirmation; une oeuvre de résistance, dont l'esthétisme évoque un peu la photo de Vanessa Beecroft.

Présence féminine

Olivia Boudreau ne fait pas dans la revendication féministe, mais dans l'expression de la présence féminine, d'une certaine résistance, d'une persistance dans l'affirmation, le tout exprimé sans paroles.

Performance en direct

L'exposition est accompagnée d'une performance en direct, Lying Bodies, Standing Bodies, présentée par deux artistes tous les jours, de 12h à 18h, pour un total de 245 heures d'ici le 12 avril. Un artiste est debout. L'autre est allongé. Une dizaine d'interprètes se relaient pour cette composition sur le thème de la durée.

D'habitude, c'est Olivia Boudreau qui se produit. Le fait de confier à d'autres le soin d'exprimer ce qu'elle veut dire est une nouveauté dans sa démarche, comme le montre sa nouvelle oeuvre, Femme allongée, dans laquelle le plan-séquence a laissé place à une caméra qui bouge et une structure narrative plus évidente.

Femme allongée, où un corps de femme est soumis à des rituels mystérieux, est plus scénographique que ses oeuvres précédentes, une orientation qui va la conduire vers la réalisation d'un court métrage sans dialogue l'été prochain.

BIOGRAPHIE

> Elle a fait des études en danse et cinéma avant les arts visuels.

> Elle a étudié à Sherbrooke et à l'UQAM.

> Sa mère a fait de la peinture.

> La vidéo était un moyen d'expression plus naturel pour elle.

> Réplique réflexive fut sa première exposition collective, à Laval en 2004.

> Son projet de fin de maîtrise, Pelages, a marqué sa démarche en 2007.

> Box, d'une durée de 22 heures, clôt un cycle en 2009.

À la galerie Leonard et Bina Ellen (1400, boulevard De Maisonneuve Ouest), jusqu'au 12 avril.