Des technologies de pointe permettent désormais de faire revivre les couleurs d'origine de toiles de Renoir et de Van Gogh délavées par le temps ou encore de déterminer que Picasso utilisait parfois de la peinture de bâtiment.

Pour la première fois, des oeuvres de Jean Renoir, de Winslow Homer ou encore de Mary Cassatt ont été analysées au niveau moléculaire grâce à la technique de la spectroscopie qui amplifie la surface d'un tableau.

«Cette approche ouvre une nouvelle dimension pour analyser les peintures, déterminer leur composition et obtenir un grand nombre d'informations sur leurs origines et les techniques de l'artiste», a expliqué Richard Van Dune, un chimiste de l'Université Northwestern de Chicago, au premier jour de la conférence annuelle de l'American Society for the Advancement of Science (AAAS).

«Cette technologie permet également d'aider à restaurer ces toiles et à comprendre le mécanisme de ternissement des couleurs», a-t-il ajouté devant les journalistes réunis pour cette conférence à Chicago, jusqu'au 17 février.

Ce scientifique a pu notamment réaliser une image numérique reconstituant pour la première fois les couleurs d'origine du portrait de Renoir de Madame Léon Clapisson, exposé à l'Art Museum de Chicago.

Utilisant une nouvelle méthode d'imagerie par rayons X, Joris Dik, professeur d'archéologie et de matériaux d'art à l'université de Delft aux Pays-Bas, a pu révéler des couches cachées de peinture oxydée au fil du temps dans des tableaux de Van Gogh et de Rembrandt et leur redonner, grâce à des reconstitutions numériques, leur éclat d'antan. Il a en outre réussi à capturer la structure en trois dimensions de ces peintures, a-t-il précisé lors de la conférence de l'AAAS, images à l'appui.

«En collaboration avec des conservateurs de musées, les scientifiques créent de nouveaux moyens pour montrer au grand public, l'apparence originelle des toiles», a poursuivi l'archéologue.

«Avec la restauration numérique, nous ne sommes pas limités par les contraintes techniques que présentent les moyens traditionnels de restauration», a-t-il souligné.

Le physicien Volker Rose, du laboratoire national Argonne près de Chicago a appliqué la nanotechnologie, très présente dans l'électronique, pour dévoiler des aspects inconnus de certaines toiles disséquées au niveau microscopique par rayons X.

Reconstitution numérique des tableaux

«Nous avons combiné pour la première fois des technologies de pointe des rayons X et de la microscopie pour appliquer la nanotechnologie au patrimoine artistique et découvrir, par exemple quelles peintures utilisaient tel ou tel artiste», a-t-il dit devant la presse.

Selon lui, ces travaux ont permis de conclure Picasso avait utilisé de la peinture de bâtiment dans certaines de ses oeuvres.

Une autre technique numérique a permis de rendre à un groupe de cinq peintures de Mark Rothko datant de 1963 appelées Harvard Murals leur éclat de jeunesse.

Ces toiles ont littéralement changé de couleur en raison de la présence d'un certain pigment rouge dans la peinture et d'une exposition excessive à la lumière naturelle.

Une restauration classique n'était pas possible sans altérer le travail de l'artiste, a expliqué Jens Stenger, un expert de la conservation des oeuvres d'art à l'Université de Yale, un des participants à ce projet qui doit présenter ces travaux à la conférence de l'AAAS.

«Nous avons pris une photo des peintures et l'avons comparé à une autre photographie restaurée datant de 50 ans» soit peu après que l'artiste les eut terminées, a-t-il expliqué.

«Et pixel par pixel nous avons recréé à l'aide d'un logiciel une image virtuelle des tableaux originels que nous projetons directement sur les toiles d'aujourd'hui» à l'aide d'un projecteur, a poursuivi le scientifique.

De cette manière «nous avons pu recréer l'apparence originelle de la couleur sans altérer physiquement les tableaux», a-t-il ajouté.

Malheureusement toutes ces technologies de pointe ne permettent pas encore de démasquer les faussaires, à condition bien entendu, que leur copie soit bien faite, avancent ces experts.