Le photographe français Paul-Antoine Pichard nous a bouleversés avec son grand reportage Mines d'ordures en 2007. Il remet ça avec une autre enquête-choc, cette fois-ci sur les enfants des rues qu'il est allé rencontrer dans une dizaine de pays, en Europe, en Afrique et en Asie. Poussières de vies est présenté à la TOHU jusqu'au 23 février.

«Poussière de vie» est l'expression que les Vietnamiens attribuent aux enfants qui vivent dans les rues. Des enfants qui ne vont pas à l'école, car les parents n'en ont pas les moyens et qui mendient parce que ça rapporte de l'argent.

Cette dure réalité des enfants des rues, Paul-Antoine Pichard l'a découverte en 1995 lors du conflit de l'ex-Yougoslavie, avec le dénuement criant d'enfants gitans. Il l'a revue quelques années plus tard quand il a réalisé son reportage sur les dépotoirs que fréquentent les plus pauvres des plus pauvres, aux Philippines, au Sénégal et en Inde.

Finalement, il est retourné de 2009 à 2013 dans ces pays - une dizaine au total - à la rencontre des enfants des rues. Il en revient avec une exposition saisissante sur l'enfance bafouée, avec des photos d'enfants dormant sur un banc ou à même le trottoir, seuls ou en groupe, et des photos d'enfants en détresse, drogués, exploités ou emprisonnés.

Il a croisé des enfants vivant dans les égouts de Bucarest, en Roumanie, où il a eu maille à partir avec des jeunes qui en voulaient à son équipement photo. Avec l'aide d'une association humanitaire, il est allé rencontrer les enfants des prisons aux Philippines, des enfants au regard vide ou qui sourient malgré tout.

Il a assisté à une classe avec les petits talibés du Sénégal, à qui l'on fait ingurgiter de force des versets du Coran en arabe (qui n'est pas leur langue) et qui doivent mendier pour apprendre l'humilité. Paul-Antoine Pichard raconte avoir vu leur marabout-professeur frapper un enfant de 6 ans, car celui-ci s'était trompé dans la récitation d'une sourate. Quand ils sortent à 16 ans, ils se retrouvent dans la rue, analphabètes, et finissent par se droguer.

Drogue

La drogue est aussi le fléau principal chez les enfants de la rue du Cambodge. Saisissante photo que celle où l'on voit un adolescent allumer une cigarette tandis qu'il s'est enfoncé une seringue de drogue dans la carotide du cou.

L'exposition montre aussi les enfants utilisés pour transporter de l'héroïne, près du Mékong, à la frontière du Laos, de la Birmanie et de la Thaïlande. Et ces adolescents de 14 ans qui transportent des sacs de 80 kg de minerais soufrés sur les pentes du volcan Kawah Ijen, en Indonésie. Paul-Antoine Pichard a essayé d'en porter un et n'a pu faire que quelques mètres.

Il y a quand même des histoires positives dans cette expo, comme la situation infantile à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie. Après des années de drames avec des enfants qui, là aussi, vivaient dans les égouts, le gouvernement a investi et ouvert des centres d'accueil pour enfants. «Au Cambodge, l'association Friends International s'occupe aussi des toxicomanes et embauche des enfants des rues dans un restaurant pour les réinsérer, dit M. Pichard. Des solutions existent donc localement. Il faut juste que les politiques aient une vision à long terme. Il y a toujours assez d'argent pour faire la guerre, donc on peut créer des structures. Bill Gates, peut-être à lui tout seul, pourrait créer des orphelinats et des écoles dans toute l'Inde. Il faudrait simplement essayer d'avoir un monde plus juste.»

Le vernissage de l'exposition a lieu demain à 18h. Une visite commentée en présence du photographe est organisée samedi à 13h.

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Poussières de vies, de Paul-Antoine Pichard. Jusqu'au 23 février, à la TOHU, au 2345, rue Jarry Est. Entrée libre, du lundi au dimanche, de 9 h à 17 h.