D'origine française, le peintre new-yorkais Jules de Balincourt se démarque sur la scène de l'art contemporain américain depuis quelques années par son style analytique abordant des questions politiques et sociales. Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) lui consacre cet hiver sa première expo-bilan en solo dans un grand musée nord-américain.

On trouve des oeuvres de Jules de Balincourt dans les collections du Brooklyn Museum, du Los Angeles County Museum of Art et du Museum of Contemporary Art de Los Angeles. Logique. Né à Paris en 1972, il est professionnellement venu au monde en Californie où il a étudié au California College of Arts and Crafts de San Francisco, avant de s'établir à Brooklyn en 2000.

La quinzaine d'oeuvres sélectionnées pour l'exposition Jules de Balincourt, peintures 2004-2013 illustre son récent parcours. L'installation créée au Carré contemporain du musée se visite comme une promenade au coeur de l'univers de l'artiste, un univers très coloré qui montre sans dénoncer et parfois même avec humour, comme dans le cas du premier tableau, We Regret to Inform You There Is Currently No Space or Place For Abstract Painting, une phrase peinte en 2004 sur un tout petit panneau alors que l'abstraction avait, dit-il, du mal à se trouver un peu de place dans la Grosse Pomme.

«C'est une période pendant laquelle je trouvais que la peinture devait avoir un message, communiquer quelque chose. C'était mon époque «smart ass» et provocateur! L'ironie, c'est que maintenant, on ne voit plus que de l'abstraction à New York!

Travail non linéaire

Le travail de Jules de Balincourt n'est pas linéaire. On regarde les dates de création de ses tableaux et on constate qu'il est passé du message à l'abstraction avant de revenir au figuratif, son inspiration pouvant être véhiculée par une observation dans la rue, une photo du New York Times ou le souvenir surgissant d'un rêve.

La critique sociale est toutefois un leitmotiv. L'oeuvre Boys' Club (acquise par le musée grâce au don du collectionneur W. Bruce C. Bailey) est une évocation des clubs masculins de type Wall Street Guys ou associations d'anciens universitaires. Derrière une rangée d'hommes cravatés, il a peint les tableaux de leurs aînés, censés les avoir inspirés. «C'est un peu une illustration de l'histoire dominée par les hommes, dit l'artiste inspiré par le fauvisme et la société américaine. J'aime le côté changeant de l'Amérique par rapport à la France qui est comme un vieux musée pris dans ses vieilles façons et qui ne bougera pas. C'est comme ça qu'on fait la salade niçoise et pas autrement!»

«Les peintures de Jules de Balincourt - dont le spectre couvre tous les possibles stylistiques, de l'abstraction à la figuration en passant par le texte peint - sont comme autant d'images de la topographie changeante des rapports sociaux en cette ère de mondialisation et de plateformes virtuelles», dit Stéphane Aquin, conservateur de l'art contemporain au MBAM.

À l'écoute du monde

Et c'est vrai que Jules de Balincourt est à l'écoute du monde. We Warned You About China (2007) est à la fois une abstraction et une carte de la Chine dominante. Dans Idol Hands (2012), chaque personnage peint au milieu d'un parc porte aux nues son propre modèle. Avec le tableau forestier Enlightened Burn Out Tree (2010), l'artiste s'est inspiré d'un sans-abri qui vivait dans une forêt dans le plus grand dénuement.

Untitled (2013) est une grande toile montrant une bataille, avec des tirs de projectiles de part et d'autre d'une étendue d'eau. D'une colline, des citoyens rassemblés semblent assister, impuissants, au déferlement de feu qui détruit les deux territoires. «Je l'ai créée pour une exposition intitulée Disaster, dit-il. Je ne voulais pas que ce soit apocalyptique, mais je voulais montrer la passivité ou le souhait de ne pas participer. Dans mes tableaux, les gens sont souvent des observateurs.»

_________________________________________________________________________________Jules de Balincourt, peintures 2004-2013, au Musée des beaux-arts de Montréal jusqu'au 6 avril.

Photo: fournie par le MBAM

Untitled (2013) montre une bataille, avec des tirs de projectiles de part et d'autre d'une étendue d'eau.