En 2011, le photographe Varial est parti à l'aventure avec son ami d'enfance Fabrice Nadjari dans la seule partie relativement calme de l'Afghanistan: le Wakhan, un corridor situé entre le Pakistan et le Tadjikistan et qui conduit à la Chine. Varial en est revenu avec un reportage fascinant sur la vie de deux tribus locales, les Wakhis et des nomades kirghiz qui ont migré vers le sud. À voir à l'Arsenal avant le 15 mars.

Leur chauffeur était un ex-trafiquant de drogues et ex-garde de sécurité à l'ambassade des États-Unis de Douchanbé, au Tadjikistan. Ça donne une idée du voyage dans lequel s'étaient embarqués Varial (né Cédric Houin) et son ami. Ils sont entrés en Afghanistan par le Tadjikistan, découvrant la région du Badakhshan, alors préservée de la violence des talibans. Puis, ils sont allés passer une quarantaine de jours au Wakhan, une large bande de terres balayées par le vent.

Vivent là sur des plateaux, à 5000 m d'altitude, coincés entre les chaînes de l'Hindu Kush et du Pamir, des Kirghiz, 800 nomades musulmans sunnites originaires du Kirghizstan, et les Wakhis, 14 000 âmes éparpillées dans de petits villages, des musulmans ismaéliens, une vieille dissidence au sein de l'islam chiite qui reconnaît l'Aga Khan comme chef.

L'Arsenal expose de grandes photos prises par Varial dans cette région. Des photos d'enfants qui sourient ou s'interrogent, de champs cultivés, de yourtes plantées au milieu de nulle part, près de montagnes érodées. Un cadre étrange dans lequel vivent des êtres au visage brûlé par le soleil et le vent.

Avec Once a Chief Always a Chief, on entre dans les traditions locales avec cet homme âgé aux vêtements usés qui fait plus penser à un berger qu'à un chef. Et pour cause. «Chez les Kirghiz, le chef est celui qui a le plus de bétail», dit Varial, joint par Skype à Bornéo, où il préparait un autre reportage.

La photo Home Again montre une femme qui marche dans un reg, un yak à ses côtés. On se croirait en Mongolie. La yourte mongole est l'habitat des Kirghiz. Sur un autre cliché, un homme se drogue à l'opium, qui est considéré là-bas comme un médicament et une monnaie d'échange.

Aucune image ne montre les Kirghiz ou les Wakhis en train de manger. «Ils mangent très peu, dit Varial. C'est du pain, du thé au lait de yak, un peu de riz, du beurre de yak, du fromage de yak, quelques fruits, et plus on s'enfonce dans le Wakhan, plus leurs ressources sont limitées.»

Par contre, la tradition du voile chez les femmes et les jeunes filles et la coiffe pour les garçons est très présente. «C'est un islam toutefois assez modéré, dit Varial. Pendant le ramadan, ni les Wakhis ni les Kirghiz ne jeûnaient. Les conditions sont assez difficiles comme ça!»

Deux petites vidéos de Varial sont également intéressantes. Des jeunes posent devant la caméra, la fixant longuement puis souriant de gêne. Et son film de 76 min projeté sur grand écran, presque sans dialogues, plus artistique que documentaire, est vraiment magnifique. Avec la beauté des paysages, l'immensité du ciel et une description poétique du quotidien des Wakhis et des Kirghiz.

«Même s'ils n'ont rien, ils t'accueillent toujours bien, dit Varial. Je n'ai pas voulu documenter la misère, mais j'aurais pu le faire. Il y a beaucoup de consanguinité chez les Kirghiz. J'ai vu des gens avec six doigts. Les femmes ont des problèmes de hanche. Mais j'ai voulu rendre hommage à ces gens, à leur beauté, à leur grandeur, à ces visages multiethniques hérités de toutes les cultures qui ont traversé cette région.»

Quand on pense à l'Afghanistan, on pense tout de suite à la guerre. Les Wakhis et les Kirghiz vivent tant bien que mal, mais en paix. «On a fait aussi ce reportage, car ces gens ont envie de dire: «Regardez-nous! On existe!», pas «Regardez! On a besoin d'aide.»»

La fierté des deux tribus transparaît dans les photos de Varial. De la fierté, mais aussi du respect pour l'autre. Oui, en Afghanistan! «On n'a jamais eu un problème là-bas ni dans les autres pays traversés, et le soir où je suis rentré à Montréal, pendant qu'on mangeait au restaurant, on s'est fait cambrioler et on m'a volé tout mon équipement de photographie, dit Varial. Environ 50 000$ de matériel. Comme quoi, on a des idées préconçues sur les pays et sur les gens. Pour les préjugés, on ferait mieux parfois de regarder autour de soi.»

Wakhan, un autre Afghanistan: exposition, vidéos et long métrage, à l'Arsenal (2020, rue William) jusqu'au 21 décembre. L'Arsenal sera fermé pour le congé des Fêtes du 22 décembre au 5 janvier.