Reconnue sur la scène internationale pour l'intégrité de son approche, la qualité de sa production et la force de ses images, la photographe Isabelle Hayeur est de retour sur les cimaises montréalaises. Avec Understories, elle expose à la Galerie Division ses photos aquatiques en forme d'avertissements sur la pollution qui attaque les mers et menace la vie.

Les poisons qui polluent des lacs, des rivières et des mers et qui minent notre santé, voilà un sujet qui interpelle la photographe Isabelle Hayeur depuis toujours.

«Quand j'étais jeune, on se baignait dans la rivière des Mille Îles même si c'était plutôt moyen comme qualité de cours d'eau, dit l'artiste de 44 ans. Mais aujourd'hui, dans cette rivière, tu ne vois plus tes pieds dans deux pieds d'eau.»

Sa dernière série de photos fait partie de son projet Underworld pour lequel elle est allée documenter les pollutions de la Chemical Coast du New Jersey et celles du cimetière marin de Rossville, à Staten Island.

Avec Understories, on est encore dans la transformation des paysages qui intéresse tant Isabelle Hayeur depuis Destinations (2003), Nuits américaines (2004), Maisons modèles (2004) et Excavations (2005).

Ses nouvelles photos ont toutes été prises en Louisiane, dans les bayous, et au bord du golfe du Mexique, lors d'un séjour de six semaines, au printemps dernier, à La Nouvelle-Orléans, dans le cadre du programme Ebb&Flow Artist-in-Residence.

Avec ces clichés, on est loin des photos de mers tropicales d'un bleu paradisiaque. Ses eaux de bords de mer, de marigots et d'affluents sont troubles, de couleur pétrole, remplies d'algues, de branches ennoyées et de plantes en décomposition.

Une critique environnementale

Une photo illustre bien le drame de l'inconscience humaine. Deux pêcheurs discutent tranquillement sur une berge tandis que le fil de leur canne à pêche plonge dans une eau sale dans laquelle on se demande si des poissons peuvent réellement vivre. Et si c'est le cas, les pêcheurs mangeront-ils leurs poissons?

«Ce corpus est vraiment une critique environnementale, dit Isabelle Hayeur. À 20 ans, j'ai travaillé pour Greenpeace. C'était des questions qui m'intéressaient. Quand j'ai étudié en art, cela a resurgi.»

Les photos d'Isabelle Hayeur sont prises avec un caisson étanche submersible dans lequel elle place son appareil photo avant d'entrer dans l'eau avec des cuissardes de pêcheur. Un seul de ses clichés est la somme de plusieurs images prises au même endroit, qu'elle assemble par photomontage.

«Je prends la surface avec l'horizon, dit-elle. Je photographie aussi sous l'eau et dans le fond. J'assemble tout ça pour avoir ma prise de vue car l'appareil photo ne capte qu'une partie. On n'aurait pas, sinon, l'impression d'être immergés.»

Isabelle Hayeur présente également une vidéo de 10 minutes, Flow, qui débute avec une petite rivière bucolique des Laurentides, mais la caméra plonge dans le cours d'eau. Plus l'eau s'écoule vers l'aval, plus elle s'avère souillée. Le film s'achève avec les fumées des raffineries de l'est montréalais et l'image d'un train qui fait inévitablement penser à celui qui a ravagé Lac-Mégantic. Un film assez déprimant qui résonne à la fois comme une réprimande et une alerte.

«On se sent impuissants, mais les gens semblent être plus réveillés qu'avant, dit Isabelle Hayeur. C'est bon signe même si je ne suis pas super optimiste, car la pollution est à tous les niveaux, comme une machine folle qu'on ne parvient pas à arrêter.»

Ses photos seront présentées l'an prochain à Miami et à Toronto, tandis que la vidéo Flow le sera à Victoria. Isabelle Hayeur prépare également une exposition au Colorado et poursuivra sa recherche sur les environnements fragiles et menacés avec une autre résidence l'an prochain, cette fois sur Captiva Island, en Floride, grâce à la Fondation Robert Rauschenberg.

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Understories, d'Isabelle Hayeur à la Galerie Division jusqu'au 11 janvier.

Photo: fournie par l'artiste

Isabelle Hayeur