Ils se cachent dans les ventes aux enchères, les collections familiales ou les héritages, et un Français de Berlin, Marc Barbey, s'est fait une spécialité de les dénicher: les photographes allemands oubliés, qu'il expose dans sa «Collection Regard».

«J'avais envie d'apprendre sur la photo allemande, j'aime bien chercher et je me suis dit qu'il y avait certainement des choses à trouver», explique ce passionné de 42 ans, marié à une Allemande.

Aujourd'hui, Marc Barbey a commencé à trouver. Des photographes dont le nom n'est pas forcément passé à la postérité mais dont l'oeuvre s'inscrit pleinement dans l'histoire de cet art.

Sa première grande trouvaille a pour nom Hein Gorny (1904-1967), un photographe de la «Nouvelle objectivité» et le premier Allemand à avoir pu photographier le Berlin détruit de l'immédiat après-guerre, vu du ciel.

À une vente aux enchères, «j'ai vu qu'il y avait quelqu'un qui vendait ça sans y connaître rien du tout», raconte le collectionneur. Il retrouve le vendeur et lui achète «quasiment tout». Puis, de fil en aiguille, il rencontre les héritiers de l'artiste qui «ne savaient pas que leur père était un grand photographe».

«Je leur ai dit et ai ajouté que j'aimerais bien le faire renaître de ses cendres», ajoute celui qui est devenu l'exécuteur testamentaire et gestionnaire du patrimoine Gorny, un trésor de «800 tirages et 16 000 négatifs».

Sa démarche l'emmène vers d'autres découvertes, «avec un focus sur la photo allemande et le thème de Berlin». Il expose l'ancien Berlin-Est, temple de rues vides, seulement peuplé de petites voitures Trabant, photographié par Hans-Martin Sewcz ou Manfred Paul, un artiste resté dans l'ombre de l'art officiel de la RDA.

«C'est quelqu'un qui dans une trentaine d'années, s'il reste cinq ou six noms de photographes de la RDA, en fera partie», souligne Marc Barbey. Dans l'ex-Allemagne de l'Est, explique-t-il, «il y avait un groupe de personnes qui disait «Voilà, ça c'est de la bonne photographie» et quand tu n'en faisais pas partie, c'était fini. Il n'y avait pas de possibilité d'exister, sauf de manière marginale».

De ce fait, son territoire de recherches «le plus important, c'est clairement l'Allemagne de l'Est, il y a des choses magnifiques».

Son projet intrigue et séduit dans un pays qui, fédéralisme oblige, ne compte pas d'institution nationale destinée à la photographie, un pays qui s'intéresse à cet art, à son histoire, mais dans une optique «clairement régionale». «Il y a des gens qui sont oubliés et il y a vraiment le moyen de les sortir de l'oubli», conclut-il.

On lui dit: «c'est incroyable que vous les ayez trouvés alors qu'on aurait, nous aussi, pu les chercher». Sa collection a attiré l'oeil de la presse allemande et européenne.

Marc Barbey en est aujourd'hui à sa sixième exposition dans son appartement-galerie du centre de la capitale.

«Ce qui m'intéresse, c'est le souci de la qualité, de bout à bout, de la prise de vue au produit fini, le tirage en lui-même», explique-t-il.

D'abord entrepreneur dans la distribution de logiciels, toujours actif dans ce secteur, Marc Barbey, qui est aussi le neveu et filleul d'une signature de l'agence de photos Magnum, Bruno Barbey, consacre de plus en plus de temps à la collection qu'il fait vivre.

Aujourd'hui, il aimerait mettre en avant des artistes français «qui ont photographié Berlin» et même s'il revendique son goût pour la «vieille école», il prévoit également d'exposer au printemps une jeune photographe qui a pris pour thème de travail les intérieurs berlinois.

Parallèlement, ses recherches sur les photographes restés dans l'oubli se poursuivent. «Les perles existent, il faut les trouver.»