La ville californienne de Santa Barbara accueille jusqu'en janvier une grande exposition sur Delacroix, qui jette une lumière nouvelle sur les influences du peintre romantique, avec la présentation au public d'une toile du maître récemment découverte.

L'exposition Delacroix and the Matter of Finish, organisée par le Santa Barbara Museum of Art (SBMA), est présentée dans la ville californienne jusqu'au 26 janvier 2014, avant de rejoindre le musée de Birmingham à partir de février.

Cela fait plus de dix ans que Delacroix (1798-1863) n'avait pas eu les honneurs d'une exposition aux États-Unis, et c'est la découverte d'un tableau du maître dans une famille de Santa Barbara qui en a été le déclencheur.

«J'étais soufflée quand j'ai vu le tableau pour la première fois», raconte à l'AFP Eik Kahng, commissaire de l'exposition. «Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un vous appelle pour vous dire qu'il possède un Delacroix».

Une deuxième surprise s'est immédiatement ajoutée à la première: l'oeuvre semblait être une variation d'un tableau monumental exposé au Musée des beaux-arts de Lyon, Dernières paroles de Marc-Aurèle, datant de 1844.

«La question était de savoir si cette peinture était une ébauche préparatoire pour la grande version de Lyon - ce que j'ai pensé spontanément quand je l'ai vue la première fois», explique Mme Kahng.

«Mais plus je la regardais, plus je comprenais la relation (de Delacroix) avec le sujet et plus je distinguais les différences subtiles d'interprétation entre notre peinture et celle de Lyon», dit-elle. «J'ai compris alors que c'était une variation complètement différente, sur un thème qui était très important pour Delacroix».

La découverte du tableau s'est immédiatement accompagnée d'une nécessaire réflexion sur son authenticité, rendue d'autant plus ardue que le spécialiste mondial et incontesté du peintre, le Britannique Lee Johnson, est décédé en 2006.

Et son monumental catalogue raisonné, publié dans les années 80, ne fait pas mention du tableau de Santa Barbara, dont il ignorait probablement l'existence. C'est donc Mme Kahng, au terme d'une longue étude, qui a authentifié le tableau.

«Il n'y a plus vraiment d'expert de Delacroix du calibre de Lee Johnson, il y a donc un vide à combler», observe-t-elle. «Je ne dis pas que je vais devenir cette personne. J'ai juste été très intéressée par ce tableau en particulier et la possibilité d'établir son authenticité, en me basant sur l'impression qu'il est de trop bonne qualité pour être l'oeuvre d'un élève».

Ces réflexions sur l'authenticité ont fini par déterminer le sujet-même de l'exposition, où les oeuvres de Delacroix sont mises en regard de celles de ses plus proches élèves, Pierre Andrieu (1849-1935) et Louis de Planet (1814-1876), pour montrer «le gouffre» qui les sépare en termes de maîtrise technique.

La découverte d'une variation sur le thème des Dernières paroles de Marc-Aurèle est également la preuve, pour Mme Kahng, «de l'intérêt permanent de Delacroix pour la tradition classique».

Le peintre de La Liberté guidant le peuple était certes «un innovateur, qui a puisé ses sujets dans beaucoup de sources non conventionnelles, généralement littéraires et liées à des poètes romantiques contemporains comme Lord Byron», remarque la commissaire.

«Mais si les gens ont tendance à exagérer le côté «orientaliste» de Delacroix, ils oublient qu'il est toujours resté incroyablement fidèle à la grande tradition et à l'art du passé», assure-t-elle.

Mme Kahng ignore encore quel sera le sort du tableau après l'exposition: «Ses propriétaires souhaitent que le public puisse le voir. Il pourrait donc faire l'objet d'un prêt à long terme au SBMA. Mais je ne peux pas l'assurer avec certitude pour l'instant».