Plus ça change, plus c'est pareil. Alors que le feuilleton de la commission Charbonneau se poursuit, la nouvelle exposition du Centre d'histoire de Montréal vient nous rappeler que la corruption et le crime organisé ne datent pas d'hier.

Présenté jusqu'en octobre 2015, Scandale! Vice, crime et moralité (1940-1960) se penche sur l'âge d'or du Red Light, à l'époque où foisonnaient les maisons closes, les cabarets, les salles de jeu clandestines et les troquets illicites.

«Montréal, ville ouverte, c'était vrai. Ce n'est pas une invention, souligne Catherine Charlebois, chargée de projet pour l'exposition. La ville était une plaque tournante pour bien des choses, dont le trafic d'héroïne et les paris téléphoniques. Comme lieu de plaisir, il y avait vraiment quelque chose qui se passait, et ce n'est pas une fausse réputation. Son côté français lui donnait en plus un caractère exotique qui plaisait énormément aux touristes américains.»

Belle époque, diront certains. Montréal était une zone de liberté sans pareil. Une oasis de décadence dans une époque plutôt puritaine. Bref, l'endroit où aller pour faire la fête.

Mais cela, bien sûr, ne faisait pas l'affaire de tout le monde. Le crime organisé en menait large et avait une (grosse) partie de l'establishment montréalais dans sa poche, incluant des chefs de police peu scrupuleux.

Si la première partie de l'expo est consacrée à la criminalité, la seconde s'attarde au combat mené par les gardiens de la moralité (Pax Plante et Jean Drapeau en tête), qui ont fini par faire le ménage dans ce nid de crapules. Le parcours s'achève avec l'enquête Caron, ancêtre de la commission Charbonneau, qui s'est soldée par une vingtaine de verdicts de culpabilité, baume temporaire sur un problème désespérément chronique...

Ambiance de l'époque

«Le contexte a changé, mais les enjeux sont les mêmes, constate le directeur du Centre d'histoire, Jean-François Leclerc. La mafia sera toujours là. Et il y aura toujours des gens pour essayer de la freiner. Montréal a toujours eu ce côté scandaleux. Ça fait partie de son identité. Et c'est peut-être pour ça qu'on est sensibles à ces questions-là.»

Malgré ses moyens limités, le musée du Vieux-Montréal a mis le paquet pour recréer l'ambiance de l'époque. Outre quelques objets étonnants (cartes professionnelles de prostituées, carnet d'adresses de mafieux...), on a reconstitué des zones de «perdition» (une salle de jeu, un cabaret, un tripot, une chambre de passe!) et ajouté une trentaine de témoignages de première main (artistes de l'époque, anciens flics, anciens chauffeurs de taxi, sociologues, historiens), une habitude désormais bien ancrée pour le Centre d'histoire, qui s'impose de plus en plus comme la mémoire ethnologique de la ville.