Le procès de six Roumains accusés d'un des plus spectaculaires vols de tableaux du siècle s'est brièvement ouvert mardi à Bucarest, avant d'être ajourné jusqu'au 10 septembre, a constaté une journaliste de l'AFP.

Cette suspension est liée à l'examen de questions sur les parties civiles ainsi qu'à des demandes de libération sous contrôle judiciaire de plusieurs suspects.

Quatre des six suspects, dont le «cerveau» présumé du vol Radu Dogaru, étaient présents dans le box des accusés.

Dogaru et ses complices présumés ont reconnu avoir dérobé sept tableaux de maîtres, dont deux Monet, un Picasso et un Gauguin dans le musée Kunsthal de Rotterdam en 2012.

Mais le sort des toiles est toujours entouré de mystère, alors que la mère de Dogaru, Olga, a déclaré aux enquêteurs avoir brûlé les toiles dans le poêle de sa maison blanche du pittoresque village de Carcaliu, avant de se rétracter quelques semaines plus tard. Une position qu'elle a réitérée mardi par la voix de son avocat, Me Catalin Dancu.

Mme Dogaru comparaît pour complicité de vol aux côtés de son fils, tandis que l'éventuelle destruction des oeuvres d'art fait l'objet d'un dossier séparé.

Peu avant l'ouverture du procès, Me Dancu a déclaré aux journalistes que Radu Dogaru avait proposé un «deal» aux enquêteurs: rendre cinq tableaux en échange d'une peine de prison aux Pays-Bas.

Me Dancu n'a toutefois pas pu certifier qu'il savait si son client disposait bien des cinq tableaux proposés aux enquêteurs ou pas.

Les peines aux Pays-Bas sont plus faibles qu'en Roumanie pour vol qualifié, a-t-il affirmé.

Une expertise réalisée par le Musée national d'histoire de Roumanie a révélé que des cendres saisies dans la maison des Dogaru à Carcaliu contenaient les restes de trois tableaux peints à l'huile et fixés à leur cadre par des clous datant d'avant la fin du XIXe siècle.

Outre les Dogaru, deux autres complices présumés du vol, Eugen Darie et Mihai Alexandru Bitu, sont jugés ainsi qu'un ancien mannequin, Petre Condrat, intermédiaire lors d'une tentative de vente ratée, et accusé de recel. Condrat, qui est jugé en liberté, n'était pas présent dans la salle d'audience.

Un sixième homme, Adrian Procop, accusé d'avoir cambriolé le musée aux côtés de Dogaru, est en fuite et sera jugé par contumace.

Il a fallu moins de trois minutes à Dogaru et Procop pour s'emparer de sept toiles de maîtres de la Fondation Triton exposées au musée Kunsthal de Rotterdam (Pays-Bas), dans la nuit du 15 au 16 octobre 2012, selon les enquêteurs.

Emportés dans des sacs en raphia: une Tête d'Arlequin de Pablo Picasso, le Waterloo Bridge et le Charing Cross Bridge de Londres de Claude Monet, Femme devant une fenêtre ouverte, dite la fiancée de Paul Gauguin ainsi que des toiles de Matisse, Lucian Freud et Jacob Meyer de Haan.

Valeur du butin: 18 millions d'euros selon le parquet. Des experts ont évoqué jusqu'à 100 millions d'euros.

«Le vol a été perpétré selon un plan minutieux», soulignent les procureurs.

Dogaru, 29 ans, est déjà sous le coup d'enquêtes en Roumanie pour trafic d'êtres humains et homicide.

S'il est reconnu coupable de «vol aux conséquences exceptionnellement graves» il risque une peine maximale de 20 ans de prison.

Dogaru et ses complices sont originaires de la même région de l'est de la Roumanie. Ils vivaient aux Pays-Bas, commettant des vols pendant que leurs compagnes se prostituaient, selon le parquet.

Peu férus d'art mais désireux de voler des objets anciens, ils auraient choisi le Kunsthal par hasard.

Après avoir fait une recherche «musées» sur leur GPS, ils se sont retrouvés au Musée d'histoire naturelle mais ont constaté que les objets exposés «ne pouvaient pas être revendus».

Ils sont ensuite tombés sur une affiche annonçant une exposition exceptionnelle de 150 toiles de maîtres au Kunsthal.

Malgré leur valeur, «aucun des tableaux volés n'était doté d'une alarme», selon les autorités néerlandaises.

Transportés en Roumanie par la route, les tableaux ont été cachés dans dans le village d'origine de Radu Dogaru, Carcaliu.

Plusieurs tentatives pour les vendre ont échoué. C'est après l'une d'elles qu'une spécialiste du Musée national d'art de Roumanie, Mariana Dragu, donnera l'alerte.

Appelée, un mois après le vol, par un ami collectionneur d'art de Bucarest pour vérifier l'authenticité de deux tableaux qu'on lui proposait, elle découvre avec stupeur Femme devant une fenêtre ouverte, dite la fiancée de Paul Gauguin et La Liseuse en Blanc et Jaune d'Henri Matisse.

Le procès devrait durer plusieurs mois.