Le procès de six Roumains accusés pour l'un des plus spectaculaires vols de tableaux du siècle doit débuter mardi à Bucarest, les enquêteurs redoutant que les Monet, Picasso et Gauguin dérobés dans un musée des Pays-Bas en 2012 aient fini en cendres.

Olga Dogaru, la mère du principal accusé, a déclaré aux enquêteurs avoir incinéré les toiles dans le poêle de sa maison blanche du pittoresque village de Carcaliu pour effacer les preuves. Mais elle s'est ensuite rétractée.

Elle comparaîtra mardi pour complicité de vol aux côtés de son fils, Radu Dogaru, qui a avoué avoir dérobé les toiles avec un autre homme, Adrian Procop. Ce dernier en fuite sera jugé par contumace.

Deux autres complices présumés du vol, Eugen Darie et Mihai Alexandru Bitu, seront aussi jugés ainsi qu'un ancien mannequin, Petre Condrat, intermédiaire lors d'une tentative de vente ratée, et accusé de recel.

Il a fallu moins de trois minutes aux auteurs du vol pour s'emparer de sept toiles de maîtres de la Fondation Triton exposées au musée Kunsthal de Rotterdam (Pays-Bas), dans la nuit du 15 au 16 octobre 2012.

Emportés dans des sacs en raphia: une Tête d'Arlequin de Pablo Picasso, le Waterloo Bridge et le «Charing Cross Bridge» de Londres de Claude Monet, Femme devant une fenêtre ouverte, dite la fiancée de Paul Gauguin ainsi que des toiles de Matisse, Lucian Freud et Jacob Meyer de Haan.

Valeur du butin: 18 millions d'euros selon le parquet. Des experts ont évoqué jusqu'à 100 millions d'euros.

«Le vol a été perpétré selon un plan minutieux», soulignent les procureurs.

Dogaru, 29 ans, déjà sous le coup d'enquêtes en Roumanie pour trafic d'êtres humains et homicide, «a reconnu les faits et donné des explications aux enquêteurs», a indiqué à l'AFP son avocat Catalin Dancu.

Il espère que son client échappera à la peine maximale de 20 ans de prison prévue pour «vol aux conséquences exceptionnellement graves».

Dogaru et ses complices sont originaires de la même région de l'est de la Roumanie. Ils vivaient aux Pays-Bas, commettant des vols pendant que leurs compagnes se prostituaient, selon le parquet.

Peu férus en art mais désireux de voler des objets anciens, ils auraient choisi le Kunsthal par hasard.

Après avoir fait une recherche «musées» sur leur GPS, ils se sont retrouvés au Musée d'histoire naturelle mais ont constaté que les objets exposés «ne pouvaient pas être revendus».

Ils sont ensuite tombés sur une affiche annonçant une exposition exceptionnelle de 150 toiles de maîtres au Kunsthal.

Malgré leur valeur, «aucun des tableaux volés n'était doté d'une alarme», selon les autorités néerlandaises.

Transportés en Roumanie par la route, les tableaux ont été cachés dans dans le village d'origine de Radu Dogaru, Carcaliu.

Plusieurs tentatives pour les vendre ont échoué. C'est après l'une d'elles qu'une experte d'art roumaine, Mariana Dragu, donnera l'alerte.

Appelée, un mois après le vol, par un ami collectionneur d'art de Bucarest pour vérifier l'authenticité de deux tableaux qu'on lui proposait, elle découvre avec stupeur Femme devant une fenêtre ouverte, dite la fiancée de Paul Gauguin et La Liseuse en Blanc et Jaune d'Henri Matisse.

Mme Dragu a regretté, dans un entretien aux quotidiens roumain Adevarul et néerlandais NRC Handelsblad, «ne pas avoir été suffisamment intelligente et forte pour dire qu'elle connaissait un acheteur potentiel: «J'aurais pu sauver les toiles».

Mardi, le monde de l'art aura les yeux rivés sur Olga Dogaru même si l'enquête sur une éventuelle destruction se poursuit et qu'elle n'est jugée à ce stade que pour complicité de vol, un chef d'accusation puni d'une peine moins lourde.

Une expertise réalisée par le Musée national d'histoire de Roumanie a révélé que des cendres saisies dans sa maison de Carcaliu, contenaient les restes de trois tableaux peints à l'huile et fixés à leur cadre à l'aide de clous datant d'avant la fin du XIXe siècle.

Le musée n'a pas pu préciser s'il s'agissait des tableaux volés à Rotterdam ou pas.

Le procès pourrait durer plusieurs mois.