Tout sourire devant un chanteur de flamenco, jambes nues dans son jardin de Mougins ou sous le regard aimant de sa compagne, c'est un Pablo Picasso dans l'intimité qu'a capturé pendant 20 ans le photographe français Lucien Clergue, qui expose à Madrid jusqu'au 26 juillet.

«Une femme très belle m'a dit +«e maître veut vous voir à 14h30» et je me suis mis à pleurer: cela a changé ma vie»: Lucien Clergue se souvenait jeudi à Madrid de sa rencontre décisive avec Pablo Picasso et sa compagne Jacqueline, en 1953, lorsque le photographe n'avait que 19 ans.

Les deux hommes s'étaient croisés peu avant et Picasso avait voulu voir plus de ses clichés, «qui n'étaient pas extraordinaires», racontait Lucien Clergue lors de la présentation des 38 photographies qui sont exposées à l'Institut français de Madrid dans le cadre du Festival international de photographie Photoespaña.

Séduit, le peintre l'a alors laissé entrer dans un quotidien rythmé par les corridas et le flamenco, à Nîmes, Arles, Cannes ou Mougins.

Un grand portrait en noir et blanc, montrant un Picasso pensif, cigarette à la main, pris en 1956, domine une exposition où l'on voit le peintre sourire, une touche parfois espiègle dans ce regard pourtant connu pour être aussi tempétueux.

«On peut voir que c'est un homme sympathique, pas aussi dur qu'on l'a décrit», expliquait Lucien Clergue, qui expose pour la première fois à 78 ans dans la capitale espagnole.

«Il aimait beaucoup poser», ajoutait le photographe, en espagnol, admettant toutefois que «Picasso était très sérieux». «Je crois que c'est parce qu'il était toujours en train de penser à ce qu'il était en train de préparer, à son travail».

On voit aussi le peintre danser sur les airs de guitare flamenco de Manitas de Plata ou écouter en souriant ce célèbre guitariste gitan, et encore assis, avec ses proches, dans les arènes de Nîmes et Arles.

«On voit ainsi sa vie, liée à l'Espagne, aux taureaux et aux gitans», commentait Lucien Clergue, se souvenant d'un jour mémorable, «en 1953 ou 1954», lorsque Picasso s'était approché seul, ses amis au loin, du côté français de la frontière:

«Il est resté comme ça une heure, en regardant l'Espagne, puis il est revenu. C'est la dernière fois qu'il a vu son pays.»