Près de 40 ans après sa naissance dans les recoins les plus miteux de New York et de Londres, l'esthétique punk est désormais célébrée dans le très chic Upper East Side de New York, au Metropolitan Museum of Art. Les temps ont changé. Radicalement.

«Aucune autre sous-culture n'a eu une influence plus importante et plus durable sur la manière dont nous nous habillons aujourd'hui», a soutenu lundi Andrew Bolton, commissaire du Costume Institut, en dévoilant à la presse son exposition Punk: Chaos to Couture.

Il est vrai que la fascination des designers pour le punk ne s'est jamais démentie depuis le milieu des années 70.

Des premiers t-shirts provocants de Vivienne Westwood (montrant aussi bien la reine d'Angleterre que le pénis d'un joueur de football noir) jusqu'à la plus récente collection d'Hedi Slimane pour Yves Saint Laurent, l'histoire d'amour entre la mode et l'esthétique punk s'est révélée bien plus qu'un flirt sans avenir.

Comme il se doit, l'expo s'ouvre d'abord par un double hommage aux deux berceaux du punk. Premier arrêt: New York et les toilettes de la célèbre salle de concert CBGB, qui ont été recréées pour l'occasion. Deuxième arrêt: Londres et la boutique Seditionaries de Vivienne Westwood et Malcolm McLaren.

Une fois cette page d'histoire tournée, Punk: Chaos to Couture présente une foultitude de pièces de grands designers inspirées par l'esthétique Do It Yourself. En tout, plus d'une centaine de pièces toutes plus déjantées et délirantes les unes que les autres se suivent dans sept galeries.

De l'outrageuse robe Versace parsemée d'épingles de nourrice qui a lancé la carrière d'Elizabeth Hurley aux magnifiques «robes poubelles» d'Alexander McQueen et de Gareth Pugh, en passant par de savantes créations de Viktor&Rolf, tous les codes punks sont revisités et transfigurés façon haute couture.

Des créations de John Galliano à celles de Rei Kawakubo en passant par Maison Martin Margiela, Rodarte, Givenchy ou Balenciaga, l'échantillon est aussi large que spectaculaire.

Un festin pour les yeux

Que l'on soit fan des Sex Pistols ou que les grimaces de Johnny Rotten nous tombent sur les nerfs importe peu. L'exposition est d'abord un festin pour les yeux. La dimension rebelle, anarchique, dérangeante, puérile, du punk a été complètement évacuée. Il n'y a aucune croix gammée en vue, et l'expression du nihilisme la plus remarquée de l'exposition est sans doute la présence de trous dans un tailleur Chanel.

Plus surprenant encore: même la musique à l'origine du mouvement est presque inaudible. Mis à part quelques accords des Sex Pistols, des Ramones ou des Clash diffusés en sourdine, les pièces musicales que l'on entend le mieux sont des airs classiques de Puccini et de Handel (!), qui accompagnent des écrans géants montrant des icônes punks se démenant sur scène.

«Nous n'avons pas voulu faire une exposition sur le punk, rappelle le commissaire Andrew Bolton, mais une exposition pour examiner l'impact du punk sur la haute couture et le prêt-à-porter.» Et, à ce sujet, il faut avouer qu'il s'agit d'une belle réussite.

Évidemment, le décalage entre la culture punk et le très conservateur Met a atteint son paroxysme, lundi soir, avec le gala annuel du Costume Institute au Met Museum. Chaque année, une foule de millionnaires, de milliardaires et de people s'y presse pour amasser des fonds pour l'institution.

Le seul moment réellement punk de cette soirée hyper glamour? L'arrivée de Vivienne Westwood sur le tapis rouge. La marraine du punk arborait à sa boutonnière une photo de Bradley Manning, le militaire américain emprisonné pour avoir transmis illégalement des infos classées top secret à WikiLeaks.

Le hic? Le Met, qui diffusait l'événement sur l'internet, a littéralement coupé la parole à Westwood pour montrer davantage de stars montant les marches dans des robes de designers toutes plus chics les unes que les autres. La preuve, peut-être, que les propos un brin punks et anarchiques choquent encore. Au moins un tout petit peu...

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L'exposition Punk: Chaos to Couture est présentée au Met du 9 mai au 14 août.