Après dix ans de rénovations et de transformations devant lui permettre d'entrer de plain-pied dans le XXIe siècle, le Rijksmuseum d'Amsterdam a dévoilé à nouveau jeudi ses trésors du Siècle d'Or dans un cadre ayant pour mot d'ordre le dialogue entre les toiles et leur époque.

«Le Rijksmuseum est à la veille d'une nouvelle page de son histoire», a déclaré le directeur du musée Wim Pijbes devant la presse après dix ans de travaux ayant coûté environ 375 millions d'euros.

«Tout a changé de place, à l'exception d'une chose, La Ronde de Nuit, hormis le fait qu'elle est accrochée un peu plus haut qu'avant», a-t-il ajouté en référence au plus célèbre tableau du peintre néerlandais Rembrandt (1606-1669).

Attraction principale du musée, cette toile monumentale de 3,8 mètres de haut sur 4,5 mètres de large pour 337 kilogrammes a sa propre salle, «La salle de la Ronde de Nuit».

«Que chaque enfant néerlandais voit la Ronde de Nuit avant ses 12-13 ans, c'est cela notre ambition», a assuré Wim Pijbes: «le Rijksmuseum rassemble les gens, l'art et l'histoire».

Le Rijksmuseum, qui abrite également des toiles de Vincent Van Gogh, accueillait environ 1 million de visiteurs par an avant sa rénovation. Après celle-ci, il dispose d'une capacité de 1,5 à 2 millions de visiteurs par an.

«Je pense que la beauté peut dormir pendant longtemps, mais quand elle se réveille, elle se réveille pour de bon, et à ce moment-là, c'est la fête!», a pour sa part déclaré à l'AFP Taco Dibbit, directeur des collections du musée.

Le musée abrite en effet certains des plus grands chefs-d'oeuvre du Siècle d'Or, qui couvre plus ou moins le XVIIe siècle, dont des toiles de Rembrandt, Johannes Vermeer et Gabriël Metsu, peintres d'une époque à laquelle les Pays-Bas dominaient le commerce mondial.

La richesse du pays permettait aux bourgeois nouvellement riches de commander de nombreux tableaux, la plupart du temps des portraits ou des paysages, à des lieues des représentations bibliques qui ont dominé la Renaissance italienne.

La rénovation aura au total duré dix ans et coûté 375 millions d'euros, un financement assuré principalement par l'Etat néerlandais via le ministère de la Culture et par le Rijksmuseum lui-même.

La réouverture officielle doit avoir lieu le 13 avril en présence de la reine Beatrix des Pays-Bas, dont il s'agira de la dernière apparition publique en tant que chef d'État, celle-ci ayant prévu d'abdiquer en faveur de son fils le 30 avril.

Des tableaux accompagnés d'objets d'époque

Extensions, modifications, faux plafonds, le Rijksmuseum s'était étendu de manière disparate au fil des années, aucun plan de grande envergure embrassant une vue globale du musée n'ayant été mis en place sur plus de cent ans d'existence.

Ironie de l'histoire, la rénovation a été confiée à deux architectes espagnols alors que les Pays-Bas protestants avaient combattu l'Espagne catholique lors de la première moitié du Siècle d'Or.

Les Sévillans Antonio Cruz et Antonio Ortiz avaient pour mot d'ordre de remettre en valeur le travail romantico-gothique de Pierre Cuypers, l'architecte néerlandais ayant dessiné le bâtiment qui accueille le Rijksmuseum depuis 1885. L'aménagement des salles a quant à lui été confié au Français Jean-Michel Wilmotte, connu notamment pour son travail au Louvre.

Parmi les casse-tête architecturaux, le maintien d'une piste cyclable traversant le rez-de-chaussée du bâtiment et utilisée quotidiennement par des milliers de Néerlandais se déplaçant dans la ville.

«Nous avons entièrement restauré le bâtiment, nous lui avons redonné de l'air, nous lui avons redonné de la lumière», a souligné Taco Dibbit: «nous avons également pu restaurer la collection et réorganiser les objets par ordre chronologique».

La plus grande nouveauté apportée par la rénovation se situe en effet dans la manière dont sont présentées et organisées les oeuvres d'art: plus question de séparer sculptures, meubles et toiles dans différentes salles.

Le mélange est désormais de mise et les oeuvres rassemblées par périodes historiques fonctionnent en harmonie, comme de saisissantes fenêtres sur leur époque.

Les toiles du jeune Rembrandt sont dès lors accompagnées d'un cabinet d'ébène et de chêne fabriqué par un de ses amis, Herman Doomer, un bol en forme d'huître fabriqué par un autre ami, Jan Lutma, et un portrait du poète Constantin Huygens, qui a écrit sur Rembrandt.

À quelques pas de là, dans une autre salle, des portraits de célèbres marins néerlandais du XVIIe siècle sont accrochés aux côtés de représentations de batailles navales, d'une maquette longue de plus de deux mètres d'un navire de l'époque et d'une série d'armes orientales offertes à un amiral néerlandais en 1680.

Quelques 8000 pièces au total sont exposées dans 80 salles pour raconter 800 ans d'histoire néerlandaise, de 1200 à 2000, «du Moyen-Âge à Mondrian». Le musée, qui possède une nouvelle entrée via un spectaculaire atrium, a une superficie totale de 30 000 mètres carrés, dont 12 000 réservés aux expositions.