Un peintre singulier dans le tourbillon de l'histoire: le musée du Luxembourg à Paris présente une exposition sur Marc Chagall (1887-1985) «entre guerre et paix».

Né à Vitebsk, petite ville russe (aujourd'hui en Biélorussie), dans une famille juive, Chagall n'a jamais oublié ses racines.

L'exposition, qui ouvre jeudi et se tient jusqu'au 21 juillet, présente cent oeuvres de Chagall prêtées par les musées français, américains, russes et européens et par des collectionneurs privés.

Son concepteur, Jean-Michel Foray, spécialiste de Chagall, est décédé quelques semaines avant l'inauguration. Son épouse, Julia Garimorth-Foray, conservateur, a poursuivi le projet.

Lorsque la guerre de 1914 éclate, Chagall est en Russie. Après trois ans passés à Paris, il est revenu dans son pays pour sa fiancée Bella Rosenfeld qu'il épouse en 1915. «C'est comme si elle me connaissait depuis longtemps; comme si elle savait tout de mon enfance, de mon présent, de mon avenir», écrit-il. Bella sera sa muse jusqu'à sa mort en 1944 aux États-Unis.

Alors que la guerre fait rage Chagall, qui a évité l'enrôlement dans les troupes, peint les fougueux Amoureux en vert (1916) inspirées du cubisme et dessine avec tendresse Bella et leur fille Ida à la fenêtre.

En 1917, lorsqu'éclate la Révolution russe, Chagall se passionne pour cette ère nouvelle. Le personnage du Juif errant, évoluant dans les airs, apparaît alors dans son oeuvre, avec le mélancolique Au dessus de Vitebsk (1915-1920).

Rêves

Après Moscou, il reprend son baluchon vers Berlin puis Paris en 1923. Il peint ses rêves, imagine un homme-coq dans les airs. Le songe d'une nuit d'été (1939) emprunté à Shakespeare prend la forme d'un bouc qui étreint une jeune mariée. Chagall imagine des personnages hybrides, mi-animaux, mi-humains.

Mais il met en garde contre une éventuelle méprise: «il n'y pas de contes de fées dans mes peintures. Tout notre monde intérieur est réalité, peut-être encore plus réelle que le monde apparent».

Ambroise Vollard lui commande des illustrations, notamment de La Bible. Chagall, qui cherche à établir un pont entre judaïsme et christianisme, n'achèvera ces planches que dans les années 1950.

Présenté comme un «artiste dégénéré» par les Nazis qui saisissent ses oeuvres dans les collections publiques allemandes en 1937, Chagall se résout à quitter la France en 1941 avec sa famille. À New York, il peint La guerre, avec ses destructions et sa folie mais aussi l'espoir.

À partir d'une toile de 1937 Révolution, il crée en 1943 un triptyque très intense et sombre intitulé Résistance. Résurrection. Libération. La tragédie du peuple juif se mêle à la Crucifixion puis l'avenir s'éclaire avec l'approche d'un retour à la paix.

La guerre se termine mais Chagall perd Bella.

Son retour en France en 1948 ouvre une période fructueuse vers la sérénité et la palette du peintre installé à Vence se fait plus lumineuse, joyeuse illustrée dans La danse (1950).

Dans sa «seconde patrie», Chagall reçoit des commandes (plafond de l'Opéra de Paris, vitraux) et les expositions se multiplient, rendant hommage à cet artiste figuratif qui a su emprunter aux mouvements d'avant-garde (cubisme, suprématisme, surréalisme) quelques-unes de leurs formes, en demeurant indépendant.