Artiste multidisciplinaire dont le travail sur l'image a greffé chaque évolution technologique, Michael Snow est encore à 83 ans un des plus éloquents ambassadeurs de l'art contemporain canadien. C'est une grande chance de pouvoir, une fois encore, se nourrir de ses oeuvres, exposées jusqu'au 16 février à la Galerie de l'UQAM.

Né à Toronto et ayant grandi à Montréal, Michael Snow entretient des liens forts avec l'Europe, et plus exactement avec le Studio national des arts contemporains du Fresnoy, à Tourcoing, dans le nord de la France. Il y enseigne et y a exposé l'an dernier des oeuvres qu'on a la chance de voir à Montréal en ce moment grâce à Louise Déry, la directrice de la Galerie de l'UQAM et commissaire fidèle de Michael Snow.

Ses photos, vidéos et installations sont une combinaison de recherches, de constats et d'humour, notamment Piano Sculpture dont l'écho s'insère un peu partout dans la galerie. Piano Sculpture comprend quatre vidéos de Michael Snow jouant du piano comme s'il fabriquait un objet, polissant, sciant et frappant les touches de l'instrument. Une oeuvre sonore « faite à la main », dit-il.

L'installation Serve, Deserve consiste en une projection sur une table carrée d'une vidéo qui diffuse...les détails d'une table de restaurant avec assiettes, verres, couverts et un service de plats apporté non pas par un serveur mais par le faisceau du projecteur. Une installation dans la tradition de la nature morte.

Avec Condensation. A Cove Story (2009), on découvre un film constitué de centaines de séquences prises à tous les dixièmes de seconde et réunies pour donner l'illusion d'un réel changement climatique. L'expérience impressionniste et vaporeuse a été réalisée près de Corner Brook, à Terre-Neuve, où Michael Snow possède un chalet de bois ronds.

C'est là qu'il a créé aussi Souffle solaire (Cariatides du Nord), une vidéo qui a consisté à filmer, peu avant le coucher du soleil, un fin rideau de fenêtre qui bouge à cause d'un vent généré par un phénomène climatique rare et local.

On voit le rideau former une voile gonflante avant de se plaquer violemment contre la moustiquaire et former des plis qui rappellent les tuniques des cariatides athéniennes.

Avec Observer, Michael Snow permet au visiteur d'être le sujet de l'oeuvre grâce à une caméra qui prend le dessus de votre tête. «L'oeuvre parle du fait que l'image est plate, dit-il. La représentation de soi-même est en trois dimensions et devient en deux dimensions.»

Deux autres oeuvres rappellent combien Michael Snow aime jouer avec les images. D'abord SSHTOORRTY (une superposition des mots SHORT et STORY), la projection d'une fausse télésérie de 1 min 45 créée par l'artiste et fractionnée en deux, une partie du film étant en surimpression sur l'autre.

L'effet est étrange et rappelle la compression WVLNT, de 2003, qu'il avait réalisée à partir de son oeuvre mythique de 1967, Wavelenght (à voir sur Youtube).

Et puis autre jeu d'images avec That/Cela/Dat, une suite de son célèbre et humoristique film So is This de 1982 - à voir aussi absolument sur Youtube -, qui met en parallèle trois textes identiques en anglais, en français et en néerlandais et montre que les langues prennent plus ou moins de temps pour exprimer les mêmes choses.

Pour The Corner of Braque and Picasso Streets, qui réfère aux premières oeuvres cubistes réalisées à Barcelone par les deux peintres, Snow a installé une caméra à l'extérieur, près de l'angle Berri-Sainte-Catherine. À l'intérieur, on peut voir en direct, et diffusé sur des socles cubiques empilés devant l'écran de diffusion, le film de la vie réelle se dérouler près de l'édicule du métro.

«Michael Snow est fasciné par le fait que le cubisme peut se faire tout seul car le réel produit du cubisme en temps réel, dit Louise Déry. Il a installé la caméra et en était très heureux. C'est admirable de le voir fan de lui-même. Il adore ses oeuvres, les idées, les images et travaille sans arrêt.»

Exposant actuellement ses sculptures au Musée des beaux-arts de l'Ontario (Objects of Vision jusqu'au 17 mars), Michael Snow a encore bien des projets. Il était à Rotterdam il y a quelques jours pour montrer son film La région centrale (1971). Il exposera des oeuvres de Solo Snow à Paris en février. Enfin, il travaille sur une rétrospective de ses oeuvres photographiques pour le Philadelphia Museum of Art.

«Je touche du bois, car ça continue! dit-il en riant. Je m'occupe encore beaucoup avec l'affaire d'être artiste! Je viens de terminer une commande publique pour une installation lumineuse sur trente étages de la nouvelle tour Trump de Toronto. J'ai de nouvelles idées et d'autres surgissent du passé!»