Marie-Claude Bouthillier est la première artiste à avoir bénéficié, l'été dernier, du nouveau programme de résidence d'artistes du Musée McCord. Jusqu'au 14 avril, elle présente le résultat de son travail, soit l'exposition Familles, synthèse sur les liens entre textiles et peinture.

Prix Louis-Comtois 2011, Marie-Claude Bouthillier a bien aimé sa résidence au Musée McCord. Tellement qu'elle a prolongé son séjour de trois mois. L'artiste a d'abord plongé tête baissée dans la collection du musée, sélectionnant des centaines d'items, pour en arriver finalement à un fil conducteur: raconter le territoire québécois.

Les objets qu'elle a choisis, qui parlaient d'histoire et de parenté, lui étaient familiers. Ce sont des jeux de solitaire, de go oriental ou de Quinto, de grandes courtepointes et des ceintures fléchées, qui divisent l'espace.

Sur la centaine de ceintures fléchées tissées à la main que possède le Musée McCord, elle en a retenu huit, datant du XIXe siècle, toutes différemment tissées, que ce soit en chevrons ascensionnels (zigzag de l'Assomption) ou en flammes. Puis, elle les a superposées les unes au-dessus des autres, pour former une sorte de paysage d'épinettes couchées.

«Quand on les regarde, ça parle vraiment du territoire, dit-elle. J'y vois aussi les tableaux des années 50, au Québec. Les Riopelle. Ça m'a fait un effet de les voir ainsi, car ces formes-là nous habitent. Et puis, les ceintures fléchées, qu'on se mettait autour des reins, ou les courtepointes que les mères et les grands-mères faisaient pour les enfants, tout ça avait une fonction de protection. C'est comme un talisman, un territoire symbolique, une façon de représenter le monde.»

Marie-Claude Bouthillier a placé bout à bout quatre courtepointes à assemblage de morceaux et à appliques, des couvertures aux tons dominants de rouge et de beige. Elle a voulu associer des objets du musée qui ont des liens entre eux, comme des membres d'une même famille, autant au niveau de leur couleur que de leur fonction.

Pour être en résonance avec les objets de musée, elle a créé une installation qui comprend deux tapis - un grand en forme de cristal de neige ou de grille de jeu et un petit - et une chaise dans laquelle un cube blanc a été encastré.

Intitulée Anna, cette installation est un portrait de ses deux grands-mères qui étaient couturières. Constitués de rouleaux de toile beiges et rouges collés les uns aux autres, les tapis reprennent les motifs des courtepointes. Ils représentent la collectivité. La chaise et le cube blanc symbolisent les deux grands-mères, «à la fois anciennes et modernes», car elles ont traversé la modernité.

Autant pour ses tapis que pour la chaise, il est question de filiation, de fils, de société tissée serrée, d'héritage, de transmission du savoir, d'amour, mais aussi d'absence.

Intéressant de voir également ce bloc de courtepointe fait d'une cinquantaine de morceaux de tissus en soie et de tissus imprimés, datés de 1899, cousus les uns aux autres.

«L'exposition est par paliers, explique Marie-Claude Bouthillier. Comme dans l'univers des correspondances, Mercure la planète et mercure l'élément. Je fonctionne beaucoup comme ça parce que, pour moi, ce sont des répétitions, des échos. Cette grille et ces motifs sont repris par les objets, que ce soit les courtepointes, les peintures ou les jeux.»

Familles, de Marie-Claude Bouthillier, au Musée McCord jusqu'au 14 avril.