L'artiste torontois Ed Pien expose ses nouveaux papiers découpés chez Pierre-François Ouellette art contemporain (PFOAC) jusqu'au 26 janvier. Après s'être consacré aux arbres, il explore le thème du papier peint décoratif aux ornements de flore aquatique d'où émergent d'étranges créatures. Des oeuvres d'une grande beauté qui réclament un travail de fourmi.

Ed Pien poursuit ses recherches avec ce papier shoji et ce film réfléchissant 3 m qu'il assemble puis découpe pour créer de mystérieuses trames, sortes de dentelles de papier. En 2012, il s'est penché sur la diversité biologique à travers l'art oriental après avoir été inspiré par une collection d'art chinois.

«C'est une réponse aux chinoiseries, aux modèles, aux répétitions de formes et de tons, une réponse que j'exprime de façon contemporaine bien sûr, dit-il. Comme si je travaillais pour créer un papier peint en utilisant des créatures imaginaires ou fantastiques. Comme l'ont fait les artistes chinois.»

Avec ses nouvelles oeuvres, Shimmering, Emerald Sea, The Coral Sea ou l'immense (2,7 m x 2,1 m) et magnifique Bloom, on plonge dans les profondeurs océaniques, avec des formes de seiche, de calmar, de langouste, de poulpe, de crabe ou de «femme à tentatules» nageant dans les abîmes, des formes qu'il crée, sans symétrie, avec en arrière-plan un fond de madréporaires coraliens ou de lumière pélagique.

«Ne pas rendre les choses symétriques, c'est sûrement ce qui est le plus difficile», dit Ed Pien, qui s'attache avec Under Water à décrire la diversité, la beauté et l'unicité de chaque espèce animale ou végétale, et même de chaque scène aquatique, avec son va-et-vient incessant d'animaux marins.

Ses oeuvres peuvent nécessiter jusqu'à un mois d'un travail minutieux. Il doit par exemple repasser doucement à chaud le film 3 M sans laisser de marques jusqu'à ce qu'il devienne gris argenté. Avec son découpage, il peaufine et colore cette dentelle de vie qui prend forme.

«Chaque intersection du papier doit être nettoyée car quand je fais le découpage, je dois enlever un peu de papier et de film, et après la coloration, je vois alors les imperfections. C'est un travail très intense!»

Il a une technique tout aussi perfectionniste pour colorer «lentement» l'oeuvre. Il utilise des atomiseurs de peinture noire ou rouge, par exemple. Puis, il passe plusieurs couches de couleurs pourpre, bleu ou jaune, attendant chaque fois que la couleur sèche. Cela donne à la dentelle un aspect métallique, avec des sortes de taches de forme cellulaire. «Le jaune que j'achète cause ces sortes de déformations colorées car il contient beaucoup de pigments alors à la fin, ça rend l'oeuvre très opaque.»

Pour ajouter du relief à son travail, il a même coloré le derrière de l'oeuvre si bien que lorsqu'il la place, un peu libre contre le cadre blanc, une ombre dans les tons de rose, de rouge léger, ou de vert et de bleu ténébreux, apparaît derrière les formes aquatiques.

Il présente aussi chez PFOAC une soixantaine de ses dessins encre et gouache réalisés en 1999 lors d'une résidence de trois mois à Amsterdam. Il avait visité des musées européens et avait été impressionné par la violence et les batailles qui surgissaient des vieux tableaux de maîtres, notamment ceux de Goya.

Il en a tiré des créatures à la fois marines et terrestres qui sont comme des esquisses de ce qui l'a mené à créer Under Water, cet exemple de raffinement en art visuel.

«Quand je dessine, c'est une bataille entre la connaissance et un certain renoncement à contrôler ma démarche, dit Ed Pien. Du coup, les créatures sont les maîtresses du résultat! C'est pour ça que j'aime l'art. On peut aller dans une direction et finalement, je ne sais pas, ça arrive par la suite juste comme ça!» Par l'opération du Saint-Esprit sans doute!

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Under Water, de Ed Pien. À la galerie Pierre-François Ouellette art contemporain. Jusqu'au 26 janvier.