Claudia Espinosa vient du Mexique, un pays où l'homme est roi. Toute sa vie, cette photographe a grandi avec l'idée que les femmes étaient des citoyennes de seconde zone, tout juste bonnes à faire des enfants ou à se faire siffler dans la rue.

Ces stéréotypes l'ont tellement agacée, qu'elle en a fait le thème de sa première expo solo, In-visble, qui est présentée jusqu'au 31 janvier à l'Espacio Mexico, une galerie d'art associée au consulat du Mexique à Montréal.

In-visible est un plaidoyer original contre la culture du machisme. On peut y voir, sur une vingtaine de photos géantes, des hommes, des femmes et même des enfants, arborant de gros tatouages gothiques avec des phrases comme «Tous les hommes sont égaux», «Ce n'est pas un jeu pour les filles» ou encore «Mon mari me laisse travailler».

Inoffensif, à première vue. Mais pour la photographe, voilà exactement le genre de phrases anodines qui perpétuent les stéréotypes.

«Cela commence par des jeux, puis par des mots, dit-elle. Mais après, ces mots deviennent des attitudes. Et ces attitudes contribuent à faire des sociétés encore plus violentes envers les femmes. Le Mexique en est un bon exemple», ajoute-t-elle, évoquant les taux de harcèlement et de féminicides extraordinairement élevés dans son pays d'origine.

Pas étonnant que la photographe exploite le concept du tatouage. C'était, selon elle, la meilleure façon de traduire le danger de cette pensée sexiste. «En Amérique latine, c'est un symbole très négatif, qu'on associe aux gangs de rue», dit-elle. Sans compter que les tatouages sont un peu comme les idées reçues: une fois qu'ils sont entrés sous la peau, ils ne partent plus.

Mexique 2010

Pour la petite histoire, In-Visible a d'abord été présentée au Mexique en 2010. Les photos de Claudia Espinosa avaient été imprimées sur du papier journal avant d'être distribuées dans le métro, dans la rue et dans une galerie d'art.

La photographe, qui est installée au Québec depuis cinq ans, a voulu rééditer l'expérience à Montréal, en ajoutant de nouvelles photos à sa série. Cette fois, ce ne sont pas seulement des Mexicains, mais des gens de tous les horizons culturels qui les ont reçues. Façon, comme une autre, de montrer que le sexisme ne se limite pas à l'Amérique latine...

«Je pense que l'art a le pouvoir de faire réfléchir et c'est le but avec cette expo, conclut Claudia Espinosa, qui se fait aussi connaître sous le surnom de Cerrucha (scie, en espagnol). Faire réfléchir. Ouvrir. Casser les préjugés... Pour moi, c'est une façon de rééduquer les gens.»

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In-visible, de Claudia «Cerrucha» Espinosa, est présenté jusqu'au 31 janvier 2013 à l'Espacio Mexico , 2055, rue Peel.