Lou Reed photographe: la légende du rock, 70 ans, a présenté mercredi à Paris un gros livre reprenant 300 de ses photographies prises pendant 46 ans de maraude appareil en poche.

La star, sobrement habillée d'un sweat shirt noir à capuche, fines lunettes rondes sur le nez, a répondu de plus ou moins bonne grâce aux questions triées sur le volet lors d'une conférence de presse.

«Oui, je pense que Dieu, s'il existe, devrait posséder un Leica», a-t-il affirmé, reprenant la citation figurant en page de garde du gros volume publié par la jeune maison d'édition Photosynthèses en version bilingue français-anglais. «C'est un petit hommage» à Leica, précise-t-il

Trait d'humour typique du style pince-sans-rire du personnage, capable de «tacler» un journaliste comme de répondre le plus sérieusement du monde que «les nuages sont gratuits» si on lui demande pourquoi il photographie beaucoup le ciel.

Cet admirateur de Cartier-Bresson, Nan Golding et Cindy Sherman assure ne «pas planifier les photos» et «travailler à l'instinct», portant toujours sur lui un appareil lorsqu'il sort, au cas où.

Le résultat: plus de 300 pages de photos, sans légende, date ou lieu, présentées comme «un poème visuel», d'où le titre Rimes.

Beaucoup de paysages, de ciels et de nuages, de villes (au premier chef New York, nimbée de lumières ocres) de montagnes, de campagnes enneigées, d'arbres, mais aussi des portraits émouvants de sa femme, Laurie Anderson, de ses amis ou de sa petite chienne disparue Lolabelle.

Un parcours éclectique où il n'a pas souhaité introduire de repère ou de chronologie «ennuyeux», pour livrer «une histoire émotionnelle», où chacun trouvera son chemin.

«On ne peut rien faire à propos de l'imagination du spectateur, vous ne pouvez pas rendre un beignet intelligent», répond-il du tac au tac à un journaliste en quête d'explications.

La légende dit qu'il faut être un peu masochiste pour interviewer Lou Reed: la réponse cinglante n'est jamais loin.

«Vous rigolez ou quoi», lance-il à qui lui demande si la photo lui permet de s'échapper de la réalité. «J'essaie juste de faire quelque chose de beau, pas d'échapper au réel», rétorque-t-il, bougon.

Il s'adoucit pour rendre un hommage appuyé à Andy Warhol, auprès de qui il a commencé la photo, dans les années 60.

«Je suis diplômé de l'Université Warhol», dit-il, reconnaissant humblement avoir été «au bon endroit au bon moment, par pure chance». C'est aux films de Warhol et du Velvet Underground qu'il doit son attention aux contrastes, à la lumière.

L'écrivain et éditeur Bernard Comment, qui a écrit le texte de l'ouvrage, explique que «l'idée n'était pas de faire un livre de photos de Lou Reed (trois sont déjà parus chez Steidl) mais LE livre» de 46 ans de prises de vues.

Pendant ce temps, Lou Reed, imperturbable, sort un mini appareil photo de sa poche - ce n'est pas un Leica - et mitraille la salle.