Sens de l'équilibre, goût de l'harmonie, art de la synthèse: le génie du peintre de la Renaissance italienne Raphaël (1483-1520) se savoure au musée du Louvre à partir de jeudi dans une passionnante exposition consacrée aux dernières années de l'artiste à Rome.

Quelque 95 oeuvres, dont 53 peintures mais aussi des dessins et des tapisseries de Raphaël «et de son atelier», sont présentées jusqu'au 14 janvier à Paris. L'exposition, déjà présentée à Madrid, est le fruit d'une collaboration fructueuse entre le musée du Prado et le Louvre.

Elle résulte d'un long travail scientifique pour tenter de démêler ce qui est de la main du maître et ce qui peut être attribué à son atelier, notamment à ses principaux collaborateurs Giulio Romano et Gian Francesco Penni.

Né à Urbino, Raffaello Santi, fils d'un peintre poète, développe son art dans l'atelier du Pérugin à Pérouse. En 1504, il part compléter sa formation à Florence où se trouvent Michel-Ange et Léonard de Vinci.

Quatre ans plus tard, il met le cap sur Rome: le pape Jules II lui a demandé de décorer les nouvelles chambres du Palais du Vatican.

En 1513, lorsque Jean de Médicis succède à Jules II, sous le nom de Léon X, les commandes passées à Raphaël par le pape et d'autres grands mécènes dans le reste de l'Italie et en France explosent.

Le maître d'Urbino est sollicité de toutes parts. Fresques monumentales pour le Vatican, cartons pour les tapisseries de la chapelle Sixtine, tableaux de chevalet. Il est aussi architecte en chef de Saint Pierre de Rome après la mort de Bramante en 1514. Il s'occupe des relevés des monuments de la Rome antique. Il invente même un système pour que les cheminées ne fument plus, indique Paul Joannides (University of Cambridge), l'un des commissaires scientifiques de l'exposition avec Tom Henry (University of Kent).

Léon X commande à Raphaël quatre grands tableaux pour le roi de France François 1er. Un cadeau diplomatique à réaliser en quelques mois, qui comprend notamment le grand Saint Michel (1518).

«Alors que Léonard de Vinci se disperse, Raphaël achève tout, au besoin avec l'aide de son atelier», souligne Vincent Delieuvin, conservateur au département des peintures du Louvre et commissaire de l'exposition.

Collaboration

«Raphaël s'entoure d'artistes très compétents, très capables même s'il garde l'invention du tableau», relève M. Delieuvin.

L'exposition permet de découvrir la spectaculaire Montée au calvaire, dite «le Spasimo» (pâmoison), restaurée par le Prado.

Le peintre travaille de façon collaborative. Il invente les compositions, Gian Francesco Penni les met au propre et les élèves réalisent les cartons. Le maître intervient à nouveau au moment de l'exécution picturale, notamment pour certains visages, mais il confie souvent à Giulio Romano, très doué et doté d'une forte personnalité, une partie du tableau.

Pendant ces années de la maturité, Raphaël continue à peindre avec son atelier de grandes Madones, comme La Perla chère au roi d'Espagne Philippe IV, la Madone à la rose, au chêne ou «de l'Amour divin». Des oeuvres tardives, souvent contestées au XIXe siècle et réévaluées par les deux commissaires scientifiques.

Pour les portraits plus intimes, Raphaël garde vraiment la main, livrant des chefs-d'oeuvre plein d'empathie: La donna velata, le portrait du jeune banquier florentin Bindo Altoviti, ou encore celui du diplomate Baldassare Castiglione.

Raphaël s'éteint en pleine gloire à l'âge de 37 ans. Un mauvais rhume attrapé en quittant son amante, selon l'écrivain Giorgio Vasari. La conséquence d'«un épuisement» au travail, ajoutent les commissaires de l'exposition.

Romano et Penni prennent les rênes de l'atelier de Raphaël pour terminer les commandes. Puis Romano part développer son art à Mantoue.