Chaque année depuis 1955 le World Press Photo donne le pouls de la planète avec une exposition itinérante des meilleurs clichés réalisés par des photojournalistes. Cette année, la sélection présentée au Marché Bonsecours comprend beaucoup de photos du printemps arabe et du tsunami japonais, auxquelles s'ajoutent notamment des images de notre printemps érable.

Invité par les organisateurs montréalais du World Press Photo (Productions Foton), le photographe américain Ed Kashi parcourt le monde depuis une trentaine d'années pour rendre compte de l'actualité. Avec l'évolution des communications et malgré les dangers, il estime que la photographie est toujours un aliment essentiel de la démocratie.

«Des gens voudront toujours raconter des histoires, même si les journalistes sont de plus en plus visés par des meurtres, des attaques et des prises d'otages, et pas seulement dans les zones de conflit», a-t-il dit jeudi, lors d'une conférence de presse organisée au Marché Bonsecours.

Les images du World Press Photo 2012 sont encore et surtout cette année des images de violence, celle des hommes comme celle générée par la Terre elle-même.

Primé photo de l'année, le cliché de l'Espagnol Samuel Aranda résume bien les événements qui ont secoué les pays arabes depuis un an: une femme en burqa réconforte son fils blessé lors d'une manifestation au Yémen.

«C'est un symbole de toutes les manifestations qui ont eu lieu dans le monde arabe et de l'implication des femmes dans ces mouvements populaires», dit Femke Van der Valk, représentante néerlandaise de la Fondation du World Press Photo.

L'exposition comprend beaucoup de photos du printemps arabe, prises en Égypte et en Libye notamment, par exemple celles du Français Rémi Ochlik à Benghazi en septembre 2011. Ce photographe est malheureusement mort en février dernier, en plein travail pendant le bombardement de la ville d'Homs par l'armée syrienne.

Une autre photo terrible est celle de Massoud Hossaini (AFP). Une jeune fille hurle parmi des corps d'enfants tués lors d'un attentat-suicide près d'un sanctuaire chiite en Afghanistan. Il y avait eu 60 morts et 160 blessés.

Ou bien celle d'Ilvy Njiokiktjien (Pays-Bas) prise dans un camp d'entraînement milicien en Afrique du Sud où un ex-militaire pro-apartheid apprend à des écoliers, pendant leurs vacances scolaires, comment tuer des Noirs...

La photographie peut être instructive, par exemple sur le trafic des cornes de rhinocéros (Brent Stirton, Afrique du Sud). Elle peut illustrer l'humanité, comme ces images d'un homme âgé qui soigne sa femme, atteinte de la maladie d'Alzheimer (Alejandro Kirchuk, Argentine). Elle peut aussi être spectaculaire, par exemple avec ce léopard qui se jette sur un garde forestier (Salil Bera, Inde).

Ou elle peut rendre compte de la beauté de la nature, comme la photo panoramique d'une immense grotte vietnamienne, de l'Allemand Carsten Peter.

L'exposition comprend une section Rouge2, consacrée aux manifestations étudiantes au Québec. Les photos montrent l'imagination sans borne des étudiants, notamment de l'École de la Montagne rouge, mais aussi la violence de certains manifestants et la dureté de la répression policière.

Une photographie d'Ivanoh Demers (La Presse) est éloquente à ce sujet. On y voit toute la hargne d'un policier à la mâchoire contractée alors qu'il frappe un étudiant dans le dos avec sa matraque. L'exposition Rouge2 est interactive: professionnels et citoyens pourront ajouter les photos qu'ils ont prises lors du printemps érable dès le 14 septembre sur le site carrerouge.ca.

L'exposition comprend également une section fascinante, Anthropographia, où Mathieu Rytz (Productions Foton) a rassemblé les meilleurs photoreportages de l'année sur les droits de la personne. Celui qui a été primé a été réalisé par l'Argentin Walter Astrada sur la violence domestique contre les femmes en Norvège. Les photos parlent d'elles-mêmes.

Parmi les autres reportages intéressants, notons celui d'Alvaro Laiz (Espagne) sur les homosexuels de Mongolie, celui de Gustavo Jononovich (Argentine) sur la pollution des projets miniers en Amérique latine et celui de Joao Pina (Portugal) sur les 60 000 opposants aux dictatures sud-américaines tués dans le cadre de l'opération Condor, parrainée par les États-Unis dans les années 70. Un travail majeur pour la mémoire du monde.

Le World Press Photo 2012 présentera en outre trois conférences sur le photojournalisme au Collège Dawson. L'Américain Ed Kashi parlera des nouvelles pratiques le vendredi 7 septembre à 18h. Le printemps arabe sera évoqué par le photographe du New York Times James Estrin le 13 septembre à 18h. Enfin, le 20 septembre à 18h, le photographe français Denis Rouvre abordera son projet documentaire de portraits de survivants du tsunami au Japon.

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World Press Photo 2012

Marché Bonsecours

Du 7 au 30 septembre de 10h à 22h